De la nécessité de créer des meutes de chiens de protection
Le nombre de chiens à utiliser pour protéger un troupeau est largement sous estimé en France. Ce nombre dépend de plusieurs facteurs :
- La race de mouton car elle influe directement sur l’instinct grégaire du troupeau. Certaines races comme les Mérinos restent bien groupées d’autres comme les Préalpes du Sud ont tendance à s’éparpiller compliquant de ce fait la tâche des chiens et nécessitant alors la présence de plus de chiens;
- La topographie du pâturage et sa nature (prairie ouverte, forêt, montagne, collines, plaine) plus ou moins favorables à une approche discrète des prédateurs ;
- Le comportement des prédateurs notamment des meutes de loups et le nombre de loups dans la meute qui peuvent mettre une pression plus ou moins forte sur le troupeau. Les loups apprennent à attirer les chiens loin du troupeau pour les tuer et parfois même les consommer ;
- La disponibilité en proies sauvages pour les prédateurs ;
- Les types de prédateurs présents (loup, ours, lynx, chiens errants ...);
Donner un nombre précis de chiens nécessaires à la protection d’un troupeau est un exercice difficile. Des années d’observations et d’échanges avec des collègues utilisateurs dans le monde entier m’ont conduit à proposer la ligne directrice suivante. Dans l'évaluation ci-dessous, les chiens sont considérés comme « chiens adultes » c’est-à-dire âgés de plus de 2 ans.
- 2 chiens adultes pour un troupeau (ovins viande) < 100 têtes
- 3 chiens adultes pour un troupeau (ovins viande) jusqu'à 300 têtes
- 4 chiens adultes pour un troupeau (ovins viande) jusqu'à 500 têtes
- 5 chiens adultes pour un troupeau (ovins viande) jusqu'à 700 têtes
- 7 chiens adultes pour un troupeau (ovins viande) jusqu'à 1000 têtes
- 8 chiens adultes pour un troupeau (ovins viande) jusqu'à 1200 têtes
- 10 chiens adultes pour un troupeau (ovins viande) jusqu'à 1500 têtes
Le nombre des chiens peut être diminué ou augmenté selon des circonstances et un environnement qui restent propres à chaque troupeau. Néanmoins face à des meutes de loups établies, tomber en dessous de ces seuils ne peut garantir une protection efficace du troupeau et des chiens eux-mêmes.
Pour l'équilibre de la meute et son efficacité il est bon qu'elle soit composée de mâles et de femelles de différents âges. Les anciens enseignent ainsi aux plus jeunes tout en assurant leur protection.
Plus la pression de prédation est forte, plus la proportion de mâles dans la meute doit être importante. Dès lors qu'un chien atteint l'âge de 5 ans il faut penser à son remplacement et intégrer un nouveau chiot. La meute idéale est composée de la façon suivante :
- Un tiers de chiens très expérimentés (chiens de plus de 5 ans)
- Un tiers de chiens expérimentés (chiens de 2 à 5 ans)
- Un tiers composé par les jeunes chiens en apprentissage (chiens de 3 mois à 2 ans).
Evidemment il est largement souhaitable de mettre en place des chiens de protection AVANT l’arrivée des prédateurs. Réagir après la première attaque c’est réagir beaucoup trop tard sachant qu’il faut plusieurs années pour former une meute de chiens de protection efficace.
Mettre en place des chiens dans une situation de stress aigu, presque inévitablement des chiots, ne solutionnera pas le problème de prédation à court terme. Les chiots seront même des proies faciles pour les loups. Il est donc très important de se préparer à l’avance et dans le calme. Qui plus est avec la recrudescence de vols d’animaux en plein champs la présence de chiens de protection devient pratiquement une nécessité, même en l’absence de grands prédateurs.
La taille du troupeau lorsqu’elle est très élevée, au-delà de 1000 têtes, complique beaucoup le travail des chiens. La surface à encadrer pendant les déplacements du troupeau est importante et facilite la tâche aux loups. Ils peuvent facilement isoler une brebis et la tuer sans que personne ne remarque quoi que ce soit.
Fragmenter les grands troupeaux en unités plus petites réduirait sans aucun doute les pertes par prédation. Mais cela pose en France d’autres problèmes aujourd’hui presque insolubles comme le coût du travail qui ne permet pas d’embaucher plus de bergers.
© Mathieu Mauriès 2016