EN FRANCE ON ACHEVE BIEN LES PAYSANS



Paysan est un métier merveilleux mais les conditions dans lesquelles nous sommes contraints de l’exercer sont juste épouvantables.

Voici un texte que j’ai écrit il y a quelques années sur ce sujet. Depuis des années rien ne change – nos politiciens font des réunions et c’est tout – et les agriculteurs continuent de se suicider dans la plus parfaite indifférence de la société et des dits politiciens de tous bords. Avec le retour des grands incendies dans l’Aude et la nouvelle épidémie administrative qui décime – sans aucuns fondements scientifiques – les troupeaux de bovins touchés par la dermatose nodulaire contagieuse, j’ai décidé de faire une mise à jour de ce texte.

Personne, et surtout pas ce gouvernement de technocrates corrompus, ne cherche à résoudre les causes du désespoir paysan. Elles sont multiples et je vais vous donner à nouveau mon point de vue sur ce sujet très douloureux pour moi et pour tant d’autres. Depuis j’ai pris ma retraite, et je suis plus qu’inquiet pour tous ces jeunes qu’on envoie droit dans le mur.

Trois causes principales sont responsables de cette situation intolérable qui conduit aujourd’hui la justice de ce pays à nous traiter comme des criminels alors que nous sommes des Faiseurs de Vie et que nous nourrissons toute la population et entretenons le jardin France : la rémunération de notre travail ou plutôt l’absence de rémunération, la Politique Agricole Commune et la MSA (Mutualité Sociale Agricole). Je rajouterai un quatrième point concernant les organismes agricoles français sensés nous apporter de l’aide ...



QUAND TU TRAVAILLES 10 HEURES PAR JOUR 7 JOURS SUR 7 POUR RIEN

Au premier chef, notre travail n’est pas rémunéré à sa juste valeur. Comment être rentable lorsque les prix de nos productions sont les mêmes qu’il y a 30 ans alors que les charges n’ont pas cessé d’augmenter ? La plupart d’entre nous vendent à perte. Nous sommes soumis au marché mondial mais avec des règles administratives françaises et européennes toujours plus lourdes et contraignantes, que ne connaissent pas nos concurrents. Quand je calcule mon salaire horaire il est inférieur à 1 € de l’heure pour 365 jours de travail par an ... Je ferais mieux de faire des ménages.

L’agneau de Nouvelle Zélande se retrouve à 6 € le kilo dans les supermarchés. Si je le vends à 15 € le kilo chez moi, je couvre à peine mes charges. Pour sortir un petit salaire il faudrait que je vende ma viande d’agneau à 30 € le kilo, qui me l’achèterait aujourd’hui ? Personne. Je ne gagne pas d’argent mais les 80 000 € de charges diverses et variées que j’ai payées en 2023, elles, font vivre beaucoup de monde dont un bon paquet d’administratifs qui ne produisent RIEN ! Ce n’est pas parce que l’on ne gagne pas d’argent que l’on n’est pas très productif et que l’on n’enrichit pas la nation. Nous sommes les créateurs de la nourriture que vous consommez trois fois par jour.



Mes magnifiques chèvres Boer.



AU ROYAUME DES TECHNOCRATES, LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

Les aides apportées par la Politique Agricole Commune, la fameuse PAC, ne sont pas des cadeaux faits aux agriculteurs. Ces aides visent à compenser les bas prix qui nous sont imposés par le marché et les politiciens. En réalité elles sont maintenant loin de couvrir le différentiel. Qui plus est nous n’avons plus aucune visibilité sur les dites aides. Que va-t-on recevoir ? Quand vont-elles être versées ? On ne sait plus. Pire les services de l’état vont jusqu’à nous demander de les rembourser sous d’obscurs prétextes. Le cas des aides dues aux agriculteurs bio en 2019 est un parfait exemple. Ils attendaient toujours le versement des aides de 2016, 2017 et 2018. L’état français n’est pas avare de promesses quand il s’agit de la PAC, pourtant son désengagement fait sombrer bon nombre de fermes et en l’occurrence les plus vertueuses.

Demain il va rester moins de 200 000 agriculteurs en France. 0,3 % de la population pour nourrir 99,7 % des Français. Tous les voyants sont au rouge. Et tout le monde s’en fout. Plus d’agriculteurs dans les campagnes, plus de nourriture Made in France dans les assiettes.
 
Et pendant ce temps-là les accords de libre échange signés par nos chers politiciens professionnels finissent de nous enterrer en inondant le marché français de produits à bas prix bourrés de chimie, et donc de poisons divers et variés.
 


LES CONTROLES OU LE REGNE DE LA TERREUR

En France un agriculteur peut être contrôlé dans son activité sur 24 domaines différents par 12 entités administratives différentes : DDTM, DDSCPP, ASP, DRAF, MSA, DIRECCTE, ONEMA, ONCFS, DGFIP, AUTORITE COMPETENTE, DGCCRF et les DOUANES. Nous sommes la profession la plus surveillée et la plus contrôlée.

A chacun de ces contrôles sont prévues des sanctions financières, administratives et judiciaires en cas de manquements (Source : Le guide des droits et devoirs en situation de contrôle – Confédération Paysanne). Comment échapper à un tel arsenal répressif ?

Macron n’a pas hésité à augmente la répression et la criminalisation des agriculteurs tout en empêchant la revalorisation de leurs retraites misérables je peux en témoigner maintenant.

Alors que le climat est particulièrement tendu entre contrôleurs et contrôlés, le gouvernement choisit de jeter de l’huile sur le feu via une ordonnance renforçant de manière démesurée les pouvoirs des agents du ministère de l’Agriculture chargés des différents contrôles dans le secteur agricole. C’est la gestapo qui débarque chez toi et tu es déjà condamné. Ton troupeau est condamné à mort par une administration française aux ordres Van der la Hyène, ce sont des compagnies de gendarmes et de CRS qui débarquent pour s’assurer que personne n’y échappe.

Les prérogatives des contrôleurs sont fortement renforcées à l’égard des tiers. Alors qu’auparavant il était simplement indiqué dans les textes de loi qu’ils pouvaient « recueillir les observations de toute personne présente », ils seront, grâce à cette ordonnance, en mesure de convoquer et d’auditionner toute personne « susceptible d’apporter des éléments utiles à leurs constatations ».

Ces formulations particulièrement larges laissent ainsi craindre une énième détérioration des relations entre contrôleurs et contrôlés et risquent de rallonger et complexifier les contrôles. On ne peut que profondément déplorer la prise d’une telle ordonnance par un gouvernement qui prouve par ailleurs une nouvelle fois sa méconnaissance du malaise grandissant des agriculteurs se sentant fréquemment traités tels des criminels lors de ces contrôles.

Pire les éleveurs les plus vertueux – ceux qui font pâturer leurs troupeaux et débroussaillent des forêts devenues impénétrables en raison de la déprise agricole – sont exclus des aides de la PAC au prétexte fallacieux qu’ils ne poussent pas d’herbe sous les arbres ... Une vision totalement erronée de nos technocrates qui ne savent pas que chèvres, brebis et ânes consomment des aliments ligneux et nettoient parfaitement et gratuitement les sous-bois. Ces bergers et chevriers sont d’utilité publique et devraient recevoir un salaire pour service rendu à la nation. Quand on voit combien coûte chaque année, aux hommes, aux animaux et à la Nature, les incendies de forêts, c’est un véritable scandale de criminaliser les éleveurs qui pâturent dans les forêts au prétexte de lois éditées sous Napoléon.


 

L'ombre de Mathieu ou la fin d'un chevrier.
Pâturage dans la Montagne de Lure, une montagne très embroussaillée ayant déjà brûlée = PV de l'ONF pour divagation de mon troupeau de chèvres.
RESULTAT : j'ai arrêté de pâturer en forêt et je suis parti m'installer dans le sud-ouest.
Les bergers disparaissent ...



L’ANTI SECURITE SOCIALE DES AGRICULTEURS : LA MSA

Enfin la MSA (Mutualité Sociale Agricole) la sécurité sociale des agriculteurs termine de nous anéantir avec des prélèvements totalement disproportionnés par rapport à nos revenus. La MSA exige des cotisations, de plusieurs milliers d’euro, même lorsque l’agriculteur n’a aucun revenu. Comment les payer quand on n’a pas d’argent pour les raisons précédemment citées ? Ce n’est pas parce que nous n’avons pas de revenu que nous ne sommes pas très productifs. Et nous le sommes, à travailler 7 jours sur 7 pour les éleveurs en particulier, sans compter nos heures, sans jours de repos, sans week end, sans vacances, sans jours féries et sans revenu. Nous sommes d’utilité publique, nous vous nourrissons trois fois par jour et nous mourrons les uns après les autres.

Lorsqu’un agriculteur ne peut pas payer les cotisations de la MSA s’enclenche alors un processus totalement dénué d’humanité : harcèlement téléphonique, menaces, huissiers, contraintes, mises en demeure, pénalités s’ajoutant aux sommes dues, passages au tribunal, et au final liquidation judiciaire qui anéantira toute la famille et sa ferme. J’en ai fait les frais avec 19 passages au tribunal grâce à la MSA Alpes Vaucluse (TGI Toulouse, TASS Toulouse, TGI Saint Gaudens). Par des jeux d’écriture la MSA a fait passer une dette de 2500 € à 27 000 €. Il m’a fallu des années de combat et un stress épouvantable qui s’est finalement terminé par un prélèvement totalement injustifié sur mon compte de 7000 €. Du vol pur et simple. Le service contentieux de la MSA, totalement déshumanisé, fonctionne à plein régime.

Le harcèlement de la MSA ne m’a laissé aucun répit et cela a eu des répercussions très négatives sur la qualité même de mon travail et ma santé comme sur le bien être de mes animaux.




Le troupeau du Hogan des Vents



QUAND LA MSA SOUS TRAITE LE SUICIDE DES AGRICULTEURS

Alors que le suicide ravage les campagnes, la MSA a mis en place un service d’écoute pour les agriculteurs en situation de détresse extrême. J’ai appelé ce numéro d’urgence pour un ami. Je suis tombé sur un standard après de longues minutes d’attente. Il a fallu que je m’énerve vraiment pour avoir accès à un thérapeute qui m’a expliqué qu’il ne pouvait rien faire pour mon ami car c’est lui-même qui devait les contacter. C’est sûr tu es au bout du rouleau, tu as passé un corde sur la poutre et il faut encore que tu fasses un dernier effort avant de te pendre … mais de qui se moque-t-on ? J’ai insisté lourdement en demandant que la MSA soit prévenue de cette situation dramatique et là, surprise totale, le thérapeute m’explique qu’ils n’ont strictement aucun rapport avec la MSA et qu’ils ne peuvent faire remonter aucune information à la putain de MSA ! De la sous-traitance pure et simple. La MSA n’en a rien à faire des agriculteurs qui se suicident, voilà la réalité. Quant aux statistiques du suicide des agriculteurs, cela fait des années qu’il y a un agriculteur qui se suicide tous les deux jours, des années ? Alors que nos situations n’ont de cesse de se dégrader. Mais curieusement la MSA ne donne aucun chiffre récent … Bien évidemment la situation est bien pire et il ne faut surtout pas le dire. Le pire, si un agriculteur se suicide dans son bâtiment agricole, son décès est enregistré comme accident du travail.

Dans les situations dramatiques que nous vivons, la MSA nous pousse au suicide sans le moindre scrupule, elle nous broie. Elle m’a broyé et envoyé deux fois aux urgences. La MSA qui affiche comme je viens de le dire des mesures de soutien aux agriculteurs en difficulté est l’exemple même du pompier pyromane. Ces mesures n’améliorent en aucune façon nos vies. Au mieux nous voyons nous accorder un échéancier pour payer, encore payer, toujours payer en contre partie de services d’une rare médiocrité. Mieux vaut ne pas avoir besoin de changer ses lunettes ou d’aller chez le dentiste. Et ne parlons même pas des retraites misérables de nos anciens contraints de vivre dans des conditions indignes après une vie de labeur à nourrir les Français. Ce qui par contre est loin d’être le cas pour tout le personnel salarié de cette même MSA …

La MSA ne nous laisse même pas de quoi manger. Elle saisit les comptes bancaires nous laissant sans rien. Et si nous demandons le RSA, d’une main elle le donne, de l’autre main elle le reprend sous forme de cotisations obligatoires, dans les 3000 € par an. 60 % des agriculteurs sont éligibles au RSA, c’est d’une terrible violence à l’encontre d’une profession dont aucun citoyen ne peut se passer.

Dans un contexte totalement dramatique pour les agriculteurs, la MSA nous achève au nom de la solidarité nationale. Solidarité ? Vous avez dit solidarité ? Où ça ? Quand ? Comment ? Un peu comme la justice qui nous condamne au nom du peuple français ... foutaise.


LES ORGANISATIONS AGRICOLES : A NOTRE SERVICE ? DEPUIS QUAND ???

Depuis plus de 50 ans il existe de multiples organismes à vocation agricole (chambres d’agriculture, EDE, GDS, MSA, Instituts techniques, INRAE, SAFER, coopératives ... j’en passe et des meilleures) soi-disant au service des agriculteurs. Ils sont supposés nous apporter le progrès et la bonne parole ... Si ce but était tout à fait louable à ses débuts, juste après la deuxième guerre mondiale, en pleine reconstruction du pays, aujourd’hui tous ces organismes ne vivent plus que pour justifier leur existence et les salaires de leurs nombreux employés. Les agriculteurs sont devenus un simple alibi, de la chair à canon comme en 14. La monstrueuse machine administrative française, aux ordres de l’Europe, écrase tout sur son passage : normes à gogo, dossiers, contrôles, sanctions, élimination font bien vivre tout ce beau monde pendant que les agriculteurs agonisent et que les campagnes se dépeuplent ... déprise, embroussaillement, feux de forêts ... on connait la musique.


Chèvres du Rove du Hogan des Vents en train de nettoyer la forêt = INTERDIT par l'ONF qui préfère laisser brûler les forêts.

 

La fameuse DJA (Dotation Jeune Agriculteur) sensée être une aide à l’installation est très loin d’être un cadeau comme certains l’imaginent. Elle n’est qu’un moyen supplémentaire de faire tourner le système avec toutes les obligations coûteuses qui incombent aux nouveaux installés. Dans certains départements elle coûte même plus cher que ce qu’elle rapporte !

Le nombre d’agriculteurs est passé de 1,2 millions en 1980 à 400 000 en 2024, et encore la moitié d’entre eux vont partir à la retraite. Dans le même temps le nombre de fonctionnaires du ministère de l’agriculture est passé de 18 000 à 36 000 !

A eux tous ont-ils réussi à maintenir une large population agricole en France : la réponse est NON. Ont-ils réussi à améliorer le revenu et les conditions de vie du peu d’agriculteurs qui subsistent : la réponse est encore NON. Finalement à quoi servent-ils ?

Tout cet argent ne serait-il pas bien mieux utilisé s’il allait directement dans la poche des premiers intéressés ? Je pose la question. Et c’est une question d’efficacité dans l’utilisation de l’impôt payé par les contribuables français. Ils plébiscitent toujours l’agriculture traditionnelle et non l’industrielle que tous ces technocrates hors sol voudraient nous faire avaler de force.

Alors MERCI à ceux qui nous soutiennent, HONTE à ceux qui nous persécutent.

Les agriculteurs ne se suicident pas, ils sont assassinés. Citoyens, nous avons besoin de votre soutien. NE RENTREZ PLUS DANS LES SUPERMARCHES. Achetez local, en direct auprès des producteurs. C’est l’Avenir de vos enfants qui est en jeu.


Mathieu Mauriès - 15 août 2025