Les clubs de race en France : outils de destruction massive des chiens de travail au troupeau ? Parole de berger


Berger picard, berger de Beauce, berger de Brie, berger des Pyrénées, berger allemand, berger belge … la liste est longue de tous ces chiens de conduite qui n’ont plus de « berger » que le nom et qui ont été perdus définitivement pour le pastoralisme.
 
En France, le Border Collie est la seule race de chien de berger dont l'examen de confirmation comprend un test d'aptitude naturelle au travail. Y aurait-il un rapport avec le fait que le Border Collie a éclipsé toutes les autres races de chiens de conduite dans nos troupeaux? Sans le moindre doute. La question de la conservation du seul chien de protection français qui nous reste, le Montagne des Pyrénées, se pose aujourd’hui. Malheureusement l’histoire est déjà terminée pour le Mâtin des Pyrénées qui a déserté les troupeaux français.
 
 
Le concept de « race » : pour le meilleur ou pour le pire ?
 
Les chiens de travail ont été sélectionnés par les bergers sur leur fonctionnalité et leur adaptation à un milieu donné. Génération après génération la fonctionnalité a conduit à une certaine homogénéité dans l’apparence. C’est ce que l’on appelle le phénotype.
 
Les éleveurs ont toujours travaillé sur des populations : de moutons, de chèvres, de vaches et de chiens en les sélectionnant en fonction de nécessités vitales créant par la même des variétés locales. Ces variétés auxquelles correspondent des génotypes, c’est-à-dire des patrimoines génétiques, se sont fixées au fil du temps dans des types variables. C’est que l’on appelle la biodiversité, largement mise à mal par le soi-disant progrès scientifique plutôt promoteur de clones … En génétique, le phénotype est l’expression du génotype dans un milieu donné. Par exemple les chevaux de Camargue élevés dans le Nord de la France sont plus grands que ceux élevés dans le Sud alors qu’ils portent exactement le même patrimoine génétique. C’est le milieu qui fait la différence.
 
Et le Montagne des Pyrénées dans tout cela ? Ce qui plaît chez ces grands chiens c’est la beauté, la puissance et la personnalité qu’ils dégagent, fruit d’une sélection réalisée par les bergers depuis des siècles. Sélection impitoyable qui a écarté tous les chiens impropres à la protection des troupeaux mais qui dans le même temps a porté jusqu’à nos jours des chiens d’une grande rusticité régulièrement mise en avant alors qu’il faudrait se poser la question de savoir si elle est toujours d’actualité ?
 
La variabilité génétique est un outil indispensable à tout sélectionneur car elle permet de faire évoluer une population animale en fonction des contraintes du milieu (physiques, économiques, sociales) qui sont, elles aussi, évolutives.
 
L’utilisation d’un nombre réduit de reproducteurs mâles et le recours à la consanguinité réduisent la variabilité génétique. Mais aussi les possibilités de défense de l’organisme qui s’effondrent. D’où l’émergence de tares et de maladies favorisées par un système immunitaire déficient incapable de s’adapter à de nouveaux virus et bactéries, eux-mêmes en permanente évolution.
 
La notion de race telle qu’elle est connue de nos jours reste très récente à l’échelle de l’histoire humaine. La standardisation des races qui fige les populations dans des types précis va donc à l’encontre de leur variabilité génétique. Cette standardisation rigide constitue sur ce plan-là un handicap pour toute évolution ultérieure d’une population animale. Elle conduit aussi à un appauvrissement génétique surtout lorsque qu’un nombre réduit de géniteurs mâles est utilisé intensivement, ce qui est le cas des champions d’exposition dans le monde canin.
 
 
Le standard ou le reflet de la fonctionnalité
 
En 1923 la Réunion des Amateurs de Chiens Pyrénéens, à l'initiative de M. Bernard SÉNAC-LAGRANGE, fait enregistrer le standard officiel du Montagne auprès de la Société Centrale Canine après avoir étudié les chiens dans leur milieu naturel, la montagne et le troupeau.
 
Dans son ouvrage Great Pyrenees Owner’s Handbook (2008) Joseph Gentzel explique très bien que le standard décrit les caractéristiques du chien idéal pour le travail sur troupeau. Il reconnaît que l’essence même du Montagne est le travail pour lequel il a été sélectionné pendant des siècles. Le déconnecter de ses origines c’est le perdre à jamais.
 
Ainsi la taille, la puissance et l’élégance du Montagne sont des caractéristiques utiles lorsqu’il doit faire face à des grands prédateurs. Le loup et l’ours sont des animaux magnifiques … pour leur faire face il faut des chiens tout aussi magnifiques ! Le chien de Montagne est grand mais sans lourdeur. Lorsque son troupeau est en danger il doit pouvoir réagir rapidement et atteindre le prédateur tout aussi vite pour s’interposer. Ce n’est sans doute pas un hasard si un mâle Montagne adulte possède à peu prés le même gabarit que celui d’un loup. Depuis des centaines d’années ce gabarit a fait ses preuves dans le travail de protection des troupeaux.
 
La taille et la forme de l’œil sont d’une grande importance car les Montagnes travaillent dans des conditions climatiques difficiles (pluie, neige, vents). L’œil en amande entouré de paupières serrées et bordées de noir facilite le travail dans la neige en limitant l’impact de la réverbération. Il évite dans d’autres circonstances comme des coups de vent l’entrée de corps étrangers dans l’œil qui pourraient l’irriter et pénaliser la vision. La couleur brun ambré permet aux chiens de travailler dans différentes luminosités.
 
Chez de nombreuses races de chiens de protection les oreilles sont coupées pour ne pas donner de prises aux prédateurs. Chez le Montagne cela n’a jamais été le cas car les oreilles, de petite taille, sont parfaitement dissimulées dans la fourrure dans une position plus basse et donc peu accessibles à la prise.
 
La forme allongée de la tête du Montagne et des babines peu tombantes lui donnent une grande force dans la mâchoire en comparaison de têtes plus carrées et de babine tombantes. La tête du Montagne est construite pour faire face aux prédateurs !
 
Le port de la queue en « arroundera » permet aussi au berger de distinguer nettement son chien en cas de confrontation nocturne tout comme sa couleur toujours plus claire que celle des prédateurs européens.
 
La qualité, la texture et la tenue du poil sont d’une grande importance pour la protection de l’organisme dans la mesure où les chiens travaillent en extérieur et par tous les temps. Les bergers ont aussi sélectionné des chiens qui n’avaient pas besoin d’être entretenus. Malheureusement la qualité du poil est de nos jours négligée aboutissant à des chiens sujets aux échauffements. Le sous poil reste emprisonné dans le poil et crée des agglomérats qu’il faut alors éliminer par une tonte. Un Montagne ne devrait jamais être tondu. Le poil long et blanc permet aux chiens de résister à la chaleur bien plus efficacement que s’ils sont tondus. Le sous poil quant à lui isole les chiens du froid pendant l’hiver. Il est clair que la qualité du poil ne peut pas être évalué de façon pertinente sur des chiens toilettés à l’extrême au détriment de la rusticité qui fait la véritable beauté des grands Pyrénéens. Le standard précise « Les taches poil de blaireau sont les plus appréciées » mais où sont donc passés les chiens blaireaux en exposition ? Disparus pour sacrifier à la mode de « Belle et Sébastien » dont les ravages pour la race sont toujours d’actualité. Disparus aussi pour la variabilité génétique et la rusticité. Ce n’est sans doute pas par hasard qu’ils avaient la préférence des bergers.
 
Le tempérament et l’intelligence du Montagne sont ses plus grands atouts pour le travail. Historiquement les Montagnes étaient utilisés pour la protection des troupeaux pendant la saison de pâturage du printemps jusqu’à l’automne. Pendant l’hiver ils restaient à la ferme protégeant non seulement le troupeau mais aussi tous les biens de leur maître ainsi que sa famille. Demeurant à la ferme tout l’hiver et une partie de l’automne il était inévitable que les Montagnes rencontrent les villageois. Ils ont donc été sélectionnés pour être tolérants aux personnes dans la mesure où celles-ci ne constituaient pas un danger. Le Montagne des Pyrénées est donc par définition un chien de troupeau qui ne présente pas d’agressivité envers l’homme. J’ai déjà souligné dans mes articles précédents l’importance du rôle du naisseur dans la socialisation des chiots et dans leur éducation. Les chiots doivent être en contact avec l’homme afin de pouvoir développer leur potentiel. Et cela ne nuit aucunement à leur attachement au troupeau contrairement à ce qui est toujours colporté par certains techniciens.
 
Les chiens Montagne sont faits pour travailler avec leur berger et non pas être laissés seuls et à l’abandon dans un troupeau. Cette façon de faire est un non sens même si elle toujours conseillée en France. Le berger, ses chiens de protection et ses chiens de conduite forment une entité cohérente avec leur troupeau. Ils travaillent en équipe au service du bien être du troupeau.
 
La présence de doubles ergots a été recherchée de tout temps par les bergers quelles que soient d’ailleurs les races de travail sur troupeau. Bien que l’intérêt du double ergot n’apparaisse pas évident de nos jours, sa présence a toujours été considérée comme un signe de qualité. Il est donc probable que le double ergot soit un marqueur extérieur retrouvé chez les chiens particulièrement méritants d’où sa présence systématique chez les chiots conservés pour le travail.
 
 
Et sur le terrain de l’agriculture ?
 
Concernant les chiens de protection si l’on s’en tient à l’estimation donnée dans le rapport 2009 de l’Institut Technique de l’Elevage, il y aurait entre 1500 et 2000 chiens de protection en France dont une large majorité sont dits « Montagnes des Pyrénées ».
 
Dans cette population, les véritables chiens de Montagne des Pyrénées (LOF) représentent d’après mon estimation personnelle moins de 5 % des dits « patous » en activité.
 
Force est de constater que le club de race, la RACP, n’entretient que des liens extrêmement réduits avec le monde des bergers et réciproquement vu qu’aucune information les concernant n’est mise à leur disposition par le club. La RACP laisse là la porte ouverte à toutes les déviances possibles en matière de chiens de protection : croisements aléatoires entre différentes races de chiens de protection mais aussi entre chiens de conduite et chiens de protection d’où l’existence de « patous » aux yeux bleus ! Ces croisements donnent surtout des chiens au comportement imprévisible et potentiellement dangereux.
 
Un jour prochain ces déviances se retourneront inévitablement contre les Montagnes LOF à l’occasion d’un incident grave sur un touriste ou un enfant.
 
Les concours « chiens de troupeau » n’ont quant à eux plus grand-chose à voir avec la vie des troupeaux. Ce sont des parodies de la réalité, un nouveau sport, de l’agility « pastorale » en quelque sorte.
 
Les malheureuses brebis qui sont utilisées dans ces manifestations sont manipulées sans ménagement et sans aucun égard, à de multiples reprises, souvent en plein soleil, à peine abreuvées. Aucun berger digne de ce nom ne laisserait ses animaux être traités de la sorte. Cela démontre encore une fois le fossé qui existe avec le monde de l’élevage de rente. Ces manifestations concernent surtout des conducteurs de chiens qui utilisent le troupeau comme un outil afin de se mettre en valeur.
 
Pour les véritables éleveurs ovins ou caprins le troupeau est le cœur de leur activité, une passion et la source de leur revenu. Ils ne s’amusent pas avec.
 
 
Les expositions ou le monde des illusions
 
J’ai apprécié les paroles très justes d’une de mes correspondantes canadiennes utilisatrice de chiens de protection au sujet des expositions : « Les chiens de travail sont présentés dans les petits concours de province par leurs bergers. Au premier regard il est évident que ces chiens sont des chiens de protection à temps plein ! Ils sont venus en ville juste pour l’après-midi. Ils sont présentés sans aucune préparation, pas forcément bien élevés face aux autres concurrents et surtout mal à l’aise d’être examinés par un inconnu, le juge. Je suis certaine que ces chiens sont formidables au travail de protection du troupeau sinon leurs bergers n’auraient pas autant de fierté à les présenter. Comparés à de grands champions dans leur race ils ne sont peut être pas au top en terme de présentation ou de standard par contre leur mental est authentique. Ces chiens sont sélectionnés pour repousser les autres canidés et donc des chiens inconnus perçus comme des menaces pour leur troupeau.
 
Exiger d’eux de faire la différence entre des chiens étrangers sur un ring et des chiens étrangers dans leur pâture, c’est vraiment demander beaucoup de discernement à un chien de protection. Cela revient à leur demander d’opter entre deux jeux de comportements et de réactions totalement distincts selon les circonstances. Même si cela est réalisable, ces situations placent les chiens de protection dans des situations difficiles à gérer, sans compter un voyage inhabituel plus ou moins long dans un véhicule qui les éloigne de leurs troupeaux. Séparer de la sorte un chien de protection de son troupeau est véritablement traumatisant pour lui. Présenter des chiens de protection en exposition crée également des difficultés au berger qui modifie l’équilibre de sa meute en retirant un ou plusieurs chiens du groupe puis en les réintroduisant après. Un nouvel équilibre s’étant établi dans la meute sur la présomption de non retour des chiens engagés dans l’exposition, leur retour va inévitablement provoquer des conflits et des agressions qui peuvent être vives ».
 
Les Régionales et les Nationales d’Elevage ont perdu tout leur sens profond pour devenir des copies conformes des expositions à CAC et à CACIB. Qui oserait présenter une chienne avec des mamelles et sans poils ? Alors que justement ce sont elles, les chiennes d’élevage, l’avenir de la race. Qui pense à les mettre en valeur à travers leur carrière de reproductrices ? Personne.
 
Les jugements d’exposition ne concernent plus que l’aspect extérieur du chien, la qualité du toilettage et de la présentation. Les expositions de conformité au standard sont malheureusement devenues des expositions de beauté, de véritables spectacles (Best in Show j’en passe et des meilleurs) basés sur tous les excès au détriment de la santé et du bien être des chiens. Des chiens totalement handicapés se retrouvent ainsi propulsés sur les plus hautes marches des podiums. Ce sont ceux-là même qui engendreront les générations futures toujours plus tarées … à l’image par exemple de ces pauvres bergers allemands qui ne tiennent même plus leurs pattes arrière et sont devenus incapables de sauter quelque obstacle que ce soit.
 
 
Vous avez dit « sélection » ?
 
La zootechnie, ce terme inconnu de la plupart des intervenants du monde canin, est pourtant la science qui traite de l’élevage des animaux domestiques dont bien évidemment les chiens. La sélection en est une des composantes à côté de la nutrition ou de la reproduction.
 
Fertilité, prolificité, qualités maternelles, croissance des chiots, mortalité chez le chiot, mortalité chez l’adulte, longévité, rusticité sont autant de critères techniques indispensables à l’élaboration d’un programme d’élevage. Sans eux il est totalement illusoire de parler de génétique. Autant sélectionner des poulains dans un troupeau de zèbres et de poney shetland !
 
Ces critères techniques sont également nécessaires pour suivre l’évolution d’une population animale et éviter des dérives nuisibles à son maintien et son homogénéité.
 
Alors quelle sélection imaginer sur des pedigrees vides de toute valeur génétique et des classements d’expositions aberrants ? Tout simplement aucune. Qui plus est certains cynophiles vont jusqu’à estimer que 50 % des pedigrees sont faux (Revue Technique du chien N° 21 avril-mai 2012 article de Bertrand Neveux « Sélection, la fin d’une époque ») ce qui rend la chose encore plus illusoire … La confirmation est pratiquement acquise pour une très large majorité des chiens présentés. Par conséquent il n’y a plus aucune pression de sélection dans les populations canines. Tous les chiens confirmés peuvent accéder à la reproduction, les bons comme les moins bons. Pas de pression de sélection, c’est pas de sélection du tout.
 
Sélectionner les chiens uniquement sur des postures en exposition est surtout une aberration sur un plan zootechnique et ne peut que conduire à la disparition de tous les critères fonctionnels qui définissent un chien de travail. Les quelques tests de comportement qui existent sont insuffisants et de toutes façons inapplicables sur le terrain pour juger du mental et des aptitudes des chiens appartenant à des races de protection de troupeau.
 
La sélection sur la posture conduit à faire émerger et concentrer les problèmes génétiques alors que la sélection sur la fonctionnalité les écarte. C’est ainsi que le gène du nanisme est apparu et s’est exprimé chez les Montagnes américains de show (Voir le livre de Joseph Gentzel The Great Pyrenees From France With Love, 2002). Un comble pour une race de grand format !
 
Cette sélection sur la posture peut être encore plus dévastatrice lorsque lui sont associées des pratiques aujourd’hui courantes en élevage. Biberonner systématiquement les chiots engendre une contre sélection au détriment des qualités maternelles qui vont se dégrader génération après génération si cette pratique perdure. Une chienne qui n’est pas capable de mettre bas naturellement ou de nourrir sa portée devrait être retirée de la reproduction Mettre les portées sous lampe chauffante est une contre sélection pour la résistance au froid. L’ensemble de ces pratiques contribuera à sélectionner à échéance de quelques dizaines d’années des chiens beaucoup plus fragiles. Où sera alors passée la légendaire rusticité du Montagne des Pyrénées ?
 
Des exemples très concrets de ce type de dérives existent depuis longtemps chez les animaux de ferme.
C’est la voie d’une artificialisation totale qui est tout sauf naturelle et durable.
 
Réduire les problèmes de santé du cheptel Montagne des Pyrénées à la seule dysplasie de la hanche c’est minorer tous les autres problèmes qui peuvent nuire à la vitalité de la race. A voir la prolifération des chiots qui naissent entièrement blancs et sans aucune pigmentation qui s’intéresse au développement de la surdité dans le cheptel Montagne des Pyrénées ? Personne.
 
Dans l’idéal et pour préserver les aptitudes naturelles des chiens de Montagne des Pyrénées qui sont leur essence même, ne devraient être « recommandés » que des étalons qui ont fait leurs preuves dans le travail de protection des troupeaux. Si rien n’est modifié dans la façon de sélectionner les reproducteurs, le type originel de la race Chiens de Montagne des Pyrénées est inexorablement condamné à disparaître.
 
 
Et demain ?
 
Il est nécessaire de maintenir et de suivre des populations de chiens Montagne dans leur milieu naturel qui est le troupeau en privilégiant bien sûr la fonctionnalité à la beauté. Beauté qui n’est en définitive que le résultat de cette fonctionnalité.
 
Dans un avenir plus ou moins lointain, il pourrait même être envisagé de retremper le chien de Montagne des Pyrénées avec d’autres races de protection d’apparence et d’origine similaires (Tatras, Kuvasz, Maremme Abruzzes, Akbash …) pour retrouver une rusticité ou d’autres qualités – peut être en ce temps-là perdues – et augmenter à nouveau la variabilité génétique au sein de la population.
 
Cette démarche a déjà été utilisée très efficacement pour sauver de l’extinction des races domestiques comme le baudet du Poitou dont le cheptel a été reconstitué en faisant appel à des ânesses espagnoles. Comme je le précisais en début d’article il ne faut pas oublier que le concept typiquement occidental de « race » est très récent et il ne devrait pas figer nos populations de chiens de protection dans des standards rigides au regard d’inévitables évolutions.
 
C’est bien la sélection par la fonctionnalité qui a construit le chien de Montagne des Pyrénées tel qu’il est encore de nos jours. Continuer à ignorer cette réalité et à sélectionner les chiens sur des postures d’exposition ne peut que conduire à la destruction de ce patrimoine canin issu de la sélection pastorale.
 
Il est donc absolument nécessaire de renouer le contact avec les utilisateurs.
 
Il faut que les programmes de sélection concernant les chiens de travail soient basés sur des données mesurables tant sur le plan de la morphologie, que sur des critères liés à la reproduction et au comportement.
 
Il s’agit aussi de mieux former les éleveurs qui ont tendance à diaboliser toute approche technique sous prétexte que le chien est un animal de compagnie et non un animal de rente. Il faut sur ce plan-là bien distinguer « l’outil technique » qui est neutre et « l’utilisation » qui en est faite avec des résultats qui peuvent être aussi exceptionnels que catastrophiques. C’est là qu’une éthique de l’élevage doit s’imposer.
 
Les chiens de Montagne des Pyrénées sont indiscutablement une création des bergers. Ils sont et restent dans leur mental des chiens de travail. Les modifier sous quelque aspect que ce soit c’est les dénaturer et perdre tout ce qui fait leur personnalité hors du commun.
 
Que des clubs de race surfent sur le pastoralisme tout en détruisant les chiens de travail et une sélection millénaire n’est pas éthique. Il faut que les clubs se positionnent clairement sur ce sujet. Il est de leur responsabilité de faire des choix et de les assumer. Le berger des Pyrénées a déjà fait les frais de cette politique. Il a disparu des troupeaux français. Le chien de Montagne des Pyrénées le suit de très prés …
 
Les Espagnols ont adopté une solution intelligente pour le Mâtin espagnol en créant une association spécifique pour les chiens de travail ORTROS http://mastinesibericos.es/ chiens de travail qui sont maintenant très différents de ceux qui sortent en expo tombés dans un hyper type désastreux … Une telle démarche n’a malheureusement aucune chance d’aboutir en France. Pour des raisons culturelles, et aussi parce que les chiens de protection après plus de 30 ans d’une communication aberrante par des personnes formées de façon livresque, une absence totale de programmes de sélection et une filière d’élevage inexistante, sont considérés par les bergers comme des fardeaux et non pas comme des alliés dans leur travail quotidien.
 
Il existe plus de 30 races de chiens de protection présentes dans des pays qui possèdent toujours des grands prédateurs. Elles pourront demain éliminer le « patou » de nos troupeaux tout comme le berger des Pyrénées a été éliminé des troupeaux français et remplacé par le Border Collie. Quelques dizaines d’années ont suffit.
 
Les clubs de races, la Société Centrale Canine et les éleveurs seront-ils capables de prendre leurs responsabilités face à la préservation de nos chiens de travail ? C’est la vraie question qui se pose.

© Mathieu Mauriès 2012

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