PREMIERE INTRODUCTION DE CHIENS DE PROTECTION DANS UN SYSTEME ITINERANT OU UN SYSTEME D’ELEVAGE PLEIN AIR INTEGRAL


Les systèmes en itinérance permanente tout comme les systèmes plein air intégral constituent, compte tenu de leurs particularités, un vrai challenge pour l’introduction de chiens de protection.

L’objectif du berger est d’avoir des chiens de protection qui tiennent la route – efficaces, en bonne santé et fiables – et qui durent dans le temps vu l’investissement en temps et en argent nécessaire à l’intégration de ces chiens.

Dans mon approche je propose la solution qui présente, selon moi, les plus grandes chances de succès en minimisant les risques d’échec. Je me place, pour cet article, dans la situation où il s’agit de la première intégration de chiens de protection dans un troupeau naïf en la matière. C’est-à-dire un troupeau qui n’a jamais connu de chiens de protection avec un berger ou un éleveur qui n’en a pas d’expérience.

Pour atteindre cet objectif d’efficacité, les chiots ont besoin de sécurité pour développer leur potentiel génétique avec confiance et assurance. Cela leur demandera trois ans avant d’être totalement opérationnels. Il est nécessaire que le chiot reçoive les bonnes bases dans un environnement sécurisé qui lui permette d’exprimer pleinement ce potentiel. C’est ainsi qu’il sera plus tard capable de gérer des situations complexes en relation notamment avec l’humain. Il devra être capable de réfléchir et d’analyser les situations plutôt que de réagir de façon instinctive.

Dans les systèmes d’élevage en itinérance permanente, et dans un système plein air intégral, les conditions ne sont pas réunies pour mettre en place de façon efficace des chiots de trois mois. Le contexte trop changeant du système itinérant ou l’isolement dans la nature pour le système plein air serait source de trop d’insécurité pour de jeunes chiots. Cela serait néfaste à leur apprentissage.

Je conseille donc plutôt d’introduire une paire de jeunes chiens de 12 à 15 mois. A cet âge-là ils sont encore assez adaptables. S’ils ont été correctement éduqués dans un milieu riche, socialisés et sociabilisés, ils seront suffisamment équilibrés et confiants pour supporter un changement de vie. Ils sauront aussi se faire accepter par le troupeau. Avant 12 mois je considère que les chiots ne sont pas assez mâtures pour supporter un tel changement de vie car le lien à leur lieu de naissance et tous ses habitants est encore très fort.

L’idéal serait de faire un deal avec un naisseur de son territoire qui élève les chiots au sein d’une meute bien établie. De cette façon le berger débutant en CPT (Chiens de Protection de Troupeau) pourrait participer ponctuellement à l’éducation des chiots. Ainsi se créerait un lien entre le berger et ses chiens avant qu’ils ne rejoignent son troupeau. Cela impliquerait de passer les voir de temps à autre pour développer ce lien chiens-humain en réalisant les exercices que je recommande dans mon protocole d’éducation. Si le berger utilise des chiens de conduite, il faudrait en profiter pour les mettre en contact avec les chiots de protection afin qu’ils se connaissent voire qu’ils jouent ensemble.

Je pencherais pour mettre en place deux mâles entiers car ils seront plus faciles à gérer que des femelles. Dans tous les cas je déconseille la stérilisation pour les conséquences très négatives qu’elle a sur la santé et le comportement des chiens. Enfin chose très importante, il faudra être accompagné dans cette mise en place par le naisseur des chiots ou un expert en chiens de protection. Dès qu’un problème se pose ou qu’une interrogation arrive, il faut pouvoir avoir une réponse dans les 24 heures.

Pour plus de détails voir mon article de 2023 intitulé « Le débutant et le chien de protection » consultable ICI.

Le temps investi dans la formation d’un chiot est important et vital pour le troupeau. Il faut tout faire bien, ou ne rien faire.

Question tarif, quand on sait que le prix d’un Border Collie de bonne lignée déjà démarré avoisine les 1800 à 2000 €  ... Je dirais que 3500 € la paire de jeunes mâles avec le suivi du naisseur inclus serait un prix légitime. Encore faut-il trouver un naisseur qui accepte le deal car il n’est pas simple d’élever et d’éduquer des chiots jusqu’à 15 mois pour s’en séparer ensuite. Il y a un coût émotionnel à payer pour le naisseur.

Introduire un chien adulte (plus de 2 ans) n’est pas forcément plus simple. Le chien adulte a déjà une histoire. Le déraciner provoque un réel traumatisme de séparation de son troupeau, de son berger et de son lieu. Tout son comportement peut en être affecté de façon très négative comme je l’ai observé à plusieurs reprises. Cela peut être un dépannage en situation d’urgence. Mais c’est une solution que je ne recommande pas dans le processus classique d’intégration de chiens de protection dans un troupeau naïf.


© Dr Mathieu Mauriès 2023