Qui peut donc élever des chiens de protection ?
Produire un Montagne des Pyrénées authentique



« Les anciens avaient une vue unifiée de la Création. Le problème est que nous avons commencé à fragmenter la science en des morceaux de plus en plus petits pour que les scientifiques aient une compréhension de plus en plus complexe d’un seul petit morceau du tout. Malheureusement, en suivant ce chemin, nous avons perdu la vue d’ensemble. Nous avons perdu la vision holistique du système. Nous avons perdu la connexion entre toutes les pièces du puzzle. »

Nassim Haramein



1 - UN CONSTAT
 
2 - UN CONTEXTE
 
3 - UNE APPROCHE PAR LE CONCRET
 
4 - LE MONTAGNE DES PYRENEES DOIT RESTER UN CHIEN RUSTIQUE
 
5 - MON EXPERIENCE PERSONNELLE
 
6 - L’INDISPENSABLE VALIDATION PAR LE TERRAIN
 
7 - CONFIGURATION PRATIQUE POUR ELEVER DES CHIOTS DESTINES A LA PROTECTION DES TROUPEAUX


BOUGNETTE du Hogan des Vents

1 - UN CONSTAT

Avec le retour des grands prédateurs en France le recours aux chiens de protection est devenu incontournable dans les zones de prédation. Et celles-ci ne cessent de s’étendre sur tout le territoire français. Le Montagne des Pyrénées reste à ce jour le chien de protection le plus présent dans les troupeaux français. Il serait très dommage qu’il se trouve relégué à l’état de relique comme l’est le petit berger des Pyrénées, chien de conduite largement distancé par le Border collie faute de sélection au travail.

Réduire le coût exorbitant de la prédation tant financièrement qu’émotionnellement, c'est pour les bergers recourir à des chiens de protection fiables, efficaces et en bonne santé.

La particularité des chiens de protection est qu’ils sont produits dans les fermes, par les éleveurs-bergers eux-mêmes, en symbiose avec le troupeau, et non par des éleveurs de chiens classiques. Ces conditions d’élevage sont très spécifiques compte tenu du rôle que jouent ces chiens dans les troupeaux d’herbivores.
En conditions réelles, dans les troupeaux, le suivi génétique des chiens de protection s’avère très difficile du fait de leur fonctionnement même, notamment lorsqu’ils travaillent en meute ou pendant les périodes de transhumance.

Il est alors légitime de se poser cette question : des éleveurs de chiens compétents ne pourraient-ils pas maintenir et sélectionner de la génétique « chiens de protection » de façon à enrichir cette population tout en maintenant des lignées distinctes ? Chez un éleveur canin la reproduction peut en effet être contrôlée de façon beaucoup plus rigoureuse. Les éleveurs canins pourraient ainsi, sous certaines conditions d’environnement, contribuer efficacement à l’amélioration génétique du Montagne des Pyrénées. C’est à cette question que je vais répondre dans cet article.

2 - UN CONTEXTE

En France depuis sa réapparition dans les Alpes du Sud en 1992, les dégâts du loup n’ont cessé d’augmenter, faisant subir une pression de plus en plus forte à un nombre grandissant d’éleveurs dans un secteur géographique toujours plus étendu. La pression de l’ours augmente elle aussi avec le développement de la population ursine. Autour du loup et de l’ours les budgets engagés par l’état français sont très conséquents et les pertes d’animaux domestiques tout aussi conséquentes.

En 2021, le loup en France c’est 10 826 animaux tués, 42 départements touchés et 100 zones de présence permanente (Source : Office Français de la Biodiversité).

En 2021, l’ours a fait dans les Pyrénées 569 victimes, principalement en Ariège. 15 estives sont classées comme foyers de prédation (Source : Préfecture de la région Occitanie).


DHARA Soum du Prat d’Ourey


Il est largement reconnu que les chiens de protection constituent le moyen le plus efficace de réduire le niveau de la prédation en conjonction avec les clôtures et la présence humaine. Force est de constater que les tactiques d’attaque du loup évoluent face aux moyens de protection mis en place. Et le chien de protection est le seul moyen de protection capable de s’adapter à ces changements de tactique du loup.

Pour différentes raisons le taux de renouvellement des chiens de protection peut être important, il est donc essentiel d’avoir une production de chiots régulière. En France l’échec apparent des chiens de protection est lié pour une grande part au fait qu’ils sont considérés depuis 30 ans comme des sous produits sans valeur de l’élevage ovin.

Depuis 30 ans aucun programme de sélection digne de ce nom n’a été mis en place pour produire des chiots dont la morphologie et le comportement au troupeau seraient hautement prévisibles.

Pour un débutant dans l’utilisation de chiens de protection j’estime qu’il faut au moins 10 ans avant de comprendre ce qu’est un chien de protection et comment il fonctionne. Il n’y a pas de raccourci. Le chien de protection demande aux bergers un lâcher prise inhabituel, à l’opposé de leurs pratiques avec les chiens de conduite sur lesquels ils exercent un contrôle quasi permanent.




Le chien de protection
C’est Un Savoir Faire & Un Savoir Etre
Un très long Apprentissage
Tant pour l’humain que pour le chien




Des chiens sélectionnés, de bonne qualité, c’est-à-dire efficaces au travail et avec une bonne longévité, ont forcément un coût. Ils demandent un professionnalisme évident dans le processus de production. Il ne s’agit pas simplement de vendre des chiots, encore faut-il être capable d’assurer leur suivi chez les éleveurs qui débutent avec ce type de chiens.

Avec le recul des années, j’ai constaté que les débutants en chiens de protection commettent involontairement de nombreuses erreurs conduisant parfois à un échec total de l’introduction des chiens de protection. Il est essentiel que la mise en place des chiots soit suivie par un expert du sujet. Elever des chiens de protection c’est aussi être un sélectionneur et en avoir les compétences.

L’Institut de l’élevage IDELE a calculé en janvier 2021 le coût de production d’un chiot de 8 semaines qui varie de 460 à 600 € selon la taille de la portée (6 à 8 chiots). Pour un jeune chien de 8 mois le coût de production varie de 1310 à 1550 € dans les mêmes conditions d’élevage. Depuis 2021, tous les coûts de production ont explosé, ces valeurs doivent donc être largement majorées. Il est à regretter que les subventions de l’état ne permettent toujours pas aux bergers d’acquérir des chiens de bonne qualité ayant fait l’objet d’une réelle sélection. Alors que dans le même temps des tests de comportement, sans réelle utilité, sont financés à des niveaux plus élevés que l’achat même des chiens … Une situation aberrante.

Bien évidemment ce sont les bergers et les éleveurs d’ovins, de caprins, de bovins ou de porcins voire d’équins qui sont les mieux placés pour faire naître et éduquer des chiens de protection. La protection des bovins et des équins implique que les chiots soient élevés spécifiquement avec ces espèces dès leur naissance.

Ceci étant dit ces éleveurs n’ont pas tous la volonté, la disponibilité ou les compétences pour faire naître et éduquer des chiots destinés à la protection des troupeaux tout en assurant leur suivi chez le nouvel utilisateur. Elever des herbivores et élever des chiens de protection sont deux choses tout à fait différentes qui demandent des compétences spécifiques.

L’authenticité du Chien de Montagne des Pyrénées passe par la conservation de son aptitude naturelle à la protection des troupeaux. Cette aptitude ne peut être conservée et améliorée qu’à travers un programme de sélection appliqué à un nombre significatif de chiens.

La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si des éleveurs canins peuvent également produire des chiots aptes au travail de protection des troupeaux ?


ESTAT du Hogan des Vents et sa mère DUNE Soum du Prat d’Ourey

3 - UNE APPROCHE PAR LE CONCRET

Soit la situation suivante chez un éleveur de Montagne des Pyrénées pour laquelle il m’a été demandé des conseils :

La surface disponible en prairie est de 2 hectares + 1 hectare. Le petit troupeau est composé d’une quinzaine de moutons et 3 vaches.

La meute de chiens de protection est composée de 6 chiens, 2 mâles et 4 femelles : (Mâle A de 4 ans) (Femelle A de 5 ans) (Femelle B de 2 ans) (Femelle C de 2 ans) (Mâle B de 8 mois) et (Femelle D de 6 mois)
+ 1 chienne Border Collie de 18 mois nouvellement arrivée dans la ferme et qui reste dans la maison sauf si entraînement sur les moutons.

Je suis contacté car le mâle de 4 ans a attaqué à plusieurs reprises le bélier de la petite troupe de moutons. Dans les faits il s’avère que ce bélier est un mouton de gros gabarit (120 kg) agressif envers les chiens. Il est arrivé à l’âge adulte dans la troupe et il ne connaissait pas les chiens de protection. Ce mâle A adulte se retourne occasionnellement contre les autres chiens en cas de forte excitation. Il est issu d’une lignée de travail depuis plusieurs générations contrairement aux autres chiens de la meute qui proviennent de lignées de beauté.

Mon premier constat : le mâle de 4 ans atteint la maturité. Il présente de l’agression redirigée [Re-directed Aggression] envers les moutons et les autres chiens dans les situations pour lesquelles il ne peut pas atteindre physiquement l’élément extérieur menaçant le troupeau. C’est un phénomène classique et bien connu. Par contre l’agression du mâle A envers le bélier est en fait de la légitime défense. Le problème c’est le bélier agressif, pas le chien.

Il y a une difficulté certaine à gérer dans un même lieu plusieurs lignées de Montagne des Pyrénées sélectionnées pour le travail de protection des troupeaux surtout en présence de plusieurs mâles.

Dans le cas présenté, compte tenu de la surface réduite et du petit cheptel d’animaux, deux chiens seraient largement suffisants pour occuper et protéger le territoire et les animaux.

Cependant ils sont six et cela va conduire inévitablement à des déviations comportementales par manque de travail. Les chiens de protection vivant sur des surfaces réduites et qui n’ont pas assez d’activité s’ennuient et développent des comportements plus ou moins déviants. Ils peuvent dans certaines situations s’en prendre à leurs congénères et même aux animaux qu’ils sont censés protéger.


MES PROPOSITIONS

Faire 3 groupes de 2 chiens :

  • Group #1 les chiens les plus âgés (Mâle A + Femelle A)
  • Group #2 les chiennes d’âge intermédiaire (Femelle B + Femelle C)
  • Group #3 les chiens les plus jeunes (Mâle B + Femelle D)

 
Cela impliquerait de pouvoir disposer de 3 territoires différents. Cependant dans la situation actuelle seuls 2 hectares sont accessibles aux chiens, je conseille donc de mettre le premier groupe de chiens quelques heures avec les moutons et les vaches, puis de les rentrer et mettre le deuxième groupe pendant aussi quelques heures et enfin le troisième groupe sur le même principe. De cette façon tous les chiens pourront avoir une activité de travail dans le cours de la journée.

Si les deux plus jeunes chiens sont trop joueurs avec les animaux il faut leur adjoindre un adulte pendant ce temps de travail.

Pour la nuit on peut laisser chaque groupe de chiens adultes affecté à tour de rôle à la surveillance du troupeau.

Tous les chiens doivent pouvoir se retrouver deux fois par jour pour échanger entre eux et manger ensemble afin d’entretenir l’esprit de meute.

Lorsque l’hectare supplémentaire destiné aux bovins sera disponible, leur protection pourra être affectée à une paire de chiens. Là encore tous les chiens devront être mis en présence des bovins afin de développer cette capacité de protection spécifique de même que tous les chiots nés sur la ferme.

Je précise enfin à cet éleveur qu’il est largement préférable d’introduire sur sa ferme de jeunes animaux (ovins, bovins …) afin qu’ils puissent se familiariser avec la présence et le travail des chiens de protection s’ils n’en n’ont pas fréquenté auparavant.

Comme en toute chose, il faut tester la solution proposée et faire un bilan au bout de quelques mois et voir les suites à donner.

4 - LE MONTAGNE DES PYRENEES DOIT RESTER UN CHIEN RUSTIQUE

Un Chien de Montagne des Pyrénées authentique, c’est un chien rustique qui a conservé son aptitude naturelle à la protection des troupeaux.

Pendant presque 100 ans la génétique du Montagne des Pyrénées a été préservée par des éleveurs de chiens soucieux de conserver les qualités originelles de ces grands chiens alors qu’ils disparaissaient des fermes pyrénéennes faute de prédateurs. Il faut leur en être reconnaissant car ils ont sauvé un patrimoine génétique inestimable qui avait mis des siècles à se constituer. Néanmoins sur cette grande période de temps les chiens n’ont plus fréquenté les troupeaux.

REINETTE du Hogan des Vents


Quand j’ai démarré l’élevage des Montagne des Pyrénées au début des années 2000 il se disait que ces chiens avaient perdu leur aptitude au travail. Il n’y avait à ma connaissance aucun Montagne des Pyrénées LOF au travail sur troupeau en zone de prédation.

J’ai donc voulu le vérifier par moi-même sur mon troupeau dans les Alpes de Haute Provence. Je me suis ainsi rendu compte que certaines lignées donnaient encore de très bons chiens de protection alors que d’autres avaient visiblement perdu leur intérêt pour le troupeau. Ce résultat n’est en soi pas surprenant. Sur une telle distance de temps il n’est pas étonnant que la fonctionnalité du Montagne se soit diluée faute de sélection au troupeau. Un patrimoine génétique n’est jamais définitivement acquis, il doit en permanence être sélectionné dans un but précis, dans le cas qui nous concerne pour l’aptitude à la protection des troupeaux.

Il est donc important de préserver voire de développer cette aptitude au travail du Montagne et sa rusticité en les renforçant par sélection. Cette sélection ne pouvant être validée que par l’épreuve du travail en conditions réelles avec présence de prédateurs.

La rusticité du Montagne des Pyrénées c’est :

  • un chien, protégé par une fourrure ne nécessitant pas d’intervention humaine ;
  • une bonne dentition pour se défendre des attaques des prédateurs
  • un chien capable de travailler sous la pluie et dans le mauvais temps pendant plusieurs jours d’affilé (tout comme son berger je le précise) ;
  • un mâle qui saillit naturellement en respectant la chienne ;
  • des chiennes capables de saillir, mettre bas et d’assurer la survie de leurs chiots sans assistance humaine.

Quand je vois aujourd’hui des mâles Montagne incapables de saillir, des chiennes qui doivent porter une muselière à la saillie tellement elles sont agressives envers le mâle, des césariennes, des chiots nourris au biberon et chauffés artificiellement, je pense qu’il y a de quoi sérieusement s’inquiéter de la rusticité et du tempérament du Montagne des Pyrénées. Pour affronter les loups ou l’ours il faut des chiens avec un fort tempérament. Il semble que c’était le cas il y a une trentaine d’années encore lorsque dans les expositions canines les chiens de la classe ouverte mâles devaient être tenus à distance les uns des autres sous peine de bagarre … Aujourd’hui ces mêmes mâles n’ont plus la moindre velléité d’en découdre avec un autre concurrent même collés les uns aux autres. Que feraient-ils face à une meute de loups ou un ours ? La question se pose vraiment.

En termes d’efficacité de protection le résultat tient à la combinaison de 7 facteurs :

  • Le patrimoine génétique du chien
  • La méthode d’élevage du naisseur
  • La méthode de mise en place
  • Le travail en meutes de chiens familiales
  • L’implication du berger
  • Le suivi du placement par un spécialiste du chien de protection
  • La qualité des clôtures

Ne pas oublier que si l’un de ces facteurs est défaillant c’est tout l’ensemble qui est remis en cause et donc l’efficacité du chien dans son travail de protection.


Chiots nouveaux nés du Hogan des Vents


Le chien de protection « idéal » c’est à ses débuts :

  • Un chiot né et élevé dans une meute de chiens, composée au minimum de son père et de sa mère;
  • Un chiot manipulé régulièrement par son naisseur;
  • Un environnement stimulant et des contacts avec des animaux de différentes espèces ;
  • Les chiots doivent pouvoir bénéficier de l’encadrement et de la formation donnés par les adultes de la meute. Pour des raisons de coût de production et d’efficacité, un placement à 3 mois est un optimum. Les chiots, de par leur taille, font aussi moins peur aux brebis que des chiens adultes et ils savent naturellement se faire accepter. Cela se solde parfois par quelques coups de tête ou de cornes. Il faudra donc rester vigilant afin d’éviter qu’ils ne soient blessés.

Un jeune chien de protection doit être considéré comme un chiot en apprentissage pendant ses deux premières années en présence de chiens adultes capables de le protéger et de l’éduquer. Sans chien adulte présent, ce qui est le cas pour une première introduction, ce temps d’apprentissage est plutôt de trois ans avant que les chiens ne soient totalement opérationnels. Il faudra ensuite à ces jeunes chiens acquérir l’expérience du terrain afin d’enrichir leurs compétences. C’est ainsi que se constituera la culture de la meute.

5 - MON EXPERIENCE PERSONNELLE

De tout temps mon troupeau a été en sureffectif de chiens de protection compte tenu de sa taille car j’ai maintenu plusieurs lignées de chiens à des fins de sélection et de recherche.

J’ai ainsi eu dans ma meute, des Montagne des Pyrénées, des Kangal, des Mâtin espagnol, un Dogue du Tibet et certains de leurs croisements. C’est seulement sur le Montagne des Pyrénées que j’ai développé un programme de sélection complet du chiot à l’adulte au travail.

Cette situation n’était pas naturelle car deux ou trois chiens auraient été largement suffisants pour protéger mes troupeaux. Cela m’amène aujourd’hui à une réflexion plus large sur la sélection de chiens pour la protection des troupeaux dans de petites structures dont l’orientation principale est l’élevage de chiens utilisés traditionnellement au travail. Comment  conserver cette aptitude au travail dans de telles conditions ?


THOR du Hogan des Vents


Dans ma meute aucun chien n’est stérilisé. Mâles et femelles vivent ensemble toute l’année. Les chiots font partie intégrante de la meute ; dès l’âge d’un mois ils ont accès à toute la ferme et prennent contact avec tous les autres animaux (chiens, chats, volailles, bovins, ânes, ovins et caprins).

J’ai observé que mon troupeau de brebis et de chèvres était toujours sous la garde rapprochée d’une paire mère & fille. Lorsque la mère disparaissait c’est une autre paire mère & fille qui prenait sa place et éjectait hors du troupeau la survivante de la paire précédente. Cette dernière rejoignait alors la meute qui protégeait la périphérie du troupeau. En général un mâle se retrouvait toujours associé à cette paire de chiennes.

Tous les autres chiens de ma meute vivent en périphérie du troupeau, assurant à ce niveau la protection du territoire. De façon générale mes troupeaux (ovins & caprins, bovins et ânes) pâturent de façon séparée sur la ferme et ne se rencontrent que ponctuellement. Une de mes chiennes Montagne a ainsi pris en charge le petit troupeau des ânes qu’elle ne quitte qu’au moment où elle a des chiots et jusqu’à leur départ de la ferme à trois mois. Un de mes mâles Montagne est aussi très proche des ânes au moment de la naissance des ânons. Ils adorent jouer avec lui.

Afin de faciliter la gestion de la meute, je retire les chiennes en chaleur et je les mets en pension lorsque je ne veux pas les faire reproduire. J’ai trouvé cette solution intéressante car les mâles ne sont plus tentés de tout défoncer pour les rejoindre et l’ambiance de la meute s’en trouve apaisée.

Malgré tout il m’est arrivé des accidents et des saillies non désirées … qui se sont révélées au final être très riches d’enseignements concernant la sélection de mes chiens. Les hasards sont parfois étonnamment judicieux.

6 - L’INDISPENSABLE VALIDATION PAR LE TERRAIN

En France, la cynophilie officielle, se basant uniquement sur l’apparence, est incapable d’évaluer le potentiel de travail des chiens de protection.

L’épreuve du travail est le seul et unique moyen de conserver un Montagne des Pyrénées authentique. Elle est indispensable afin de confirmer ou pas l’orientation de la sélection dans les petites structures. Dans cette optique, un nombre significatif de chiots doivent être mis au travail sur troupeau afin de tester la génétique, en priorité des mâles, et aussi des femelles de l’élevage en question.


IESTAT du Hogan des Vents


Les chiots produits dans de petites structures doivent pouvoir être :

1 – testés dans l’élevage d’origine à l’âge de trois mois (voir mon article « Evaluation du potentiel de travail de chiots Montagne des Pyrénées destinés à la protection des troupeaux » ;

2 - évalués dans leur comportement dès le premier mois de présence dans leur nouveau troupeau (voir ma fiche de suivi à distance des chiots dans mon article « Première intégration de chiens de protection, - Protocole de mise en place de deux chiots – GUIDE du débutant - Méthode Hogan des Vents »).

Leur aptitude au travail sera enfin évaluée à l’âge de 3 ans afin de confirmer ou pas les orientations de sélection de l’élevage (voir la « note troupeau » explicitée dans mon programme de sélection pour le Montagne des Pyrénées).

Tous les articles cités sont accessibles sur mon site dans la rubrique MES PUBLICATIONS.

7 - CONFIGURATION PRATIQUE POUR ELEVER DES CHIOTS MONTAGNE DES PYRENEES DESTINES A LA PROTECTION DES TROUPEAUX

Un site permettant d’élever des chiots pour la protection des troupeaux pourrait avoir – a minima – la configuration suivante pour un mâle et deux femelles Montagne des Pyrénées reproducteurs :

  • Un lieu de 2 hectares au moins, bien clôturé
  • Un bâtiment de type bergerie avec des boxes pour les mises bas des chiennes
  • 15 brebis + 1 bélier
  • 3 chèvres + 1 bouc
  • Des volailles variées : poules, pintades, dindons, oies, canards
  • Un point d’eau pour les anatidés et les chiens
  • Un chenil renforcé excentré du lieu pour isoler les chiennes en chaleur

Pour la protection des équidés et des bovins, il est nécessaire que les chiots soient élevés avec ces espèces. Quelques individus sont suffisants à condition que les chiots soient en contact permanent avec eux.


THOR du Hogan des Vents


Dans cette configuration lorsqu’une chienne a des chiots, la deuxième chienne peut tenir compagnie au mâle tout en assurant la protection des autres animaux. Dès l’âge d’un mois les chiots sont mis en présence permanente du troupeau et des autres chiens afin de développer leurs compétences.

EN CONCLUSION

Qui peut donc produire des chiens de protection ? Bien évidemment les éleveurs/bergers qui ont la motivation de le faire avec sérieux et qui peuvent assurer un suivi des chiots pendant au moins la première année de présence dans le nouveau troupeau.

Mais aussi des éleveurs canins avec les structures nécessaires au bon développement des chiots dans un environnement stimulant adapté à leur future fonction. Des éleveurs canins capables également de suivre l’évolution des chiots dans leurs nouveaux troupeaux en apportant des conseils éclairés aux nouveaux utilisateurs.

Ainsi des lignées de Montagne variées pourraient permettre de maintenir la variabilité génétique indispensable à une bonne vitalité de la population de ces chiens de protection en France. Cette démarche, pour être pertinente, nécessite la structuration d’une action collective impliquant le plus grand nombre possible d’éleveurs et l’adhésion de tous à un véritable programme national de sélection pour le Montagne des Pyrénées garant de sa rusticité et de sa fonctionnalité.



© Dr Mathieu Mauriès 2022