ADOPTER un patou en REFUGE (1)


Je suis récemment contacté par une personne, dont je salue la démarche, car elle souhaite recueillir des renseignements sur les patous – chien de Montagne des Pyrénées – dans l’objectif d’adopter un chien dont elle a fait la connaissance dans un refuge.

Je rapporte ici le message qu’elle m’a adressé et à la suite mes questionnements et recommandations pour ce cas précis. Je terminerai cet article avec des rappels essentiels sur les chiens de protection destinés à la compagnie, qu’ils soient adoptés adultes ou chiots :



AVANT d'adopter un patou il faut sérieusement se renseigner sur la race
et sur les besoins de ces chiens très particuliers.


"Bonjour,
J'ai trouvé vos contacts sur internet, lors de mes recherches sur le caractère et le comportement des Montagnes des Pyrénées, et j'ai beaucoup apprécié vos différents articles ainsi que votre éthique.
J'ai grandi avec des chiens bergers (des bergers allemands et bergers blancs) car mes grands parents étaient paysans dans le Quercy et avaient un troupeau de moutons. J'ai eu moi-même un chien à l'âge de 8 ans et continué à vivre avec des chiens, toujours adoptés en refuge, donc avec des parcours chaotiques.
Cela fait longtemps que je souhaiterais adopter un Montagne, que je sais très différent des BA, mais je n'étais pas suffisamment disponible pour me lancer dans l'aventure. La donne change car j'ai décidé d'arrêter début mars un travail passionnant mais trop chronophage.
J'ai repéré un Montagne qui aura 3 ans cette année, actuellement en refuge dans le Tarn.
Il a été acheté à 2 ou 3 mois dans un élevage (je ne sais pas lequel) par une famille vivant en lotissement, qui ne lui a posé aucune limite ni aucune règle et qui l'a abandonné au refuge 6 mois après car devenu ingérable (problèmes d'aboiements intempestifs).
Depuis qu'il est dans ce refuge, il y a eu 2 tentatives d'adoption qui se sont soldées par des échecs : la première, c'est une famille avec du terrain mais pas suffisamment disponible pour s'occuper du chien (les deux membres du couple travaillaient) et à nouveau les mêmes problèmes d'aboiements qui ont conduit aux mêmes effets : retour au refuge.
La deuxième, c'est un paysan du coin qui a voulu le prendre pour aider à la garde de son troupeau mais le Montagne s'est frité plusieurs fois avec ses chiens bergers et le paysan l'a ramené au refuge quinze jours après ... Selon le personnel du refuge, il serait d'un caractère dominant avec ses congénères.
Nous sommes allés le voir il y a 3 semaines (couple sans enfants) car j'avais besoin de pouvoir estimer s'il y avait une marge possible d'apprentissage de nouveaux codes et de nouvelles règles et le test a été concluant. Alors qu'il me voyait pour la 1ère fois, il a été réceptif aux consignes passé l'excitation du début.
Nous l'avons promené durant 2h, avec des temps d'arrêt et de pause où nous nous sommes assis et il a attendu tranquillement à nos côtés. Il m'a même fait des câlins et des bisouilles dans le cou, sous le menton.
Je suis consciente qu'il est très difficile d'évaluer le comportement d'un chien dans des circonstances aussi stressantes que la vie en box, en refuge ... Nous irons le voir pour un deuxième contact mi février.

Mon interrogation :
Nous avons un chat mais le personnel du refuge est incapable de me dire si ce chien a déjà été en contact avec des chats. Donc c'est quitte ou double ... Naïvement peut-être, je me dis que lorsque le chien va intégrer la maison, tout étant imprégné de l'odeur du chat, il va comprendre que le chat fait partie de la tribu à protéger ?
Auriez-vous des conseils à ce sujet, et plus globalement sur les perspectives d'adoption ?
Autre question : c'est moi qui serai principalement sa référente et tiendrai le rôle du guide, est-ce que le fait qu'il s'agisse d'un chien mâle aurait une influence dans la relation ou cela n'a pas d'importance du moment que sa place dans la tribu serait clairement posée ?
Nous habitons en campagne mais pas isolé non plus. La chance, ce sont tous les chemins de randonnée au départ de la maison, sans route à proximité immédiate pour le promener."


MES QUESTIONNEMENTS & RECOMMANDATIONS

Ce chien de trois ans, jeune adulte, a déjà subi trois abandons successifs. Quand on connaît la sensibilité du Montagne des Pyrénées, il est clair qu’il est selon moi complètement traumatisé, et ses conditions de détention dans un petit box n’arrangent rien.

Dans le contexte décrit par les futurs adoptants, le seul point positif est que la dame sera présente toute la journée chez elle, donc très disponible pour le chien.

Néanmoins il y a plusieurs points très négatifs :

  • Le jardin clôturé fait à peine 300 m².
  • Les plus proches voisins sont à une centaine de mètres.
  • La maison est située sur un point de passage avec de nombreux chemins de randonnées.
  • Si ce chien n’a pas été éduqué dans ses premières semaines à respecter les chats, il y a de grandes chances qu’il tue le vieux chat de la maison le considérant comme un potentiel prédateur.

Même s’il est tout à fait louable, et compréhensible, de vouloir sortir un chien d’un refuge, dans le cas présent j’ai clairement dit à cette dame que le risque d’échec de cette adoption était très élevé. Les conditions ne sont absolument pas réunies pour que ce chien se retrouve dans de bonnes conditions de vie et dépasse ses traumatismes.

Il est désolant de voir encore véhiculer dans le milieu de l’adoption la notion de « dominant / dominé » dont on sait depuis longtemps qu’elle n’a aucune réalité. Point positif dans ce refuge, la castration des chiens n’est pas systématique et obligatoire avant leur départ. En effet la castration chez le Montagne provoque de grosses difficultés d’entretien de la fourrure, entre autres problèmes de santé et de comportement.


QUELS ENSEIGNEMENTS RETIRER DE CETTE HISTOIRE ?

Il faut le rappeler, encore et encore, le Montagne n’est pas le chien de tout le monde. Avoir vu « Belle & Sébastien » ne vous prépare pas à accueillir un vrai Montagne des Pyrénées avec tout son patrimoine génétique et son comportement très différent de toutes les autres races de chiens de compagnie.


 

Le Montagne des Pyrénées ou patou est indéniablement un chien de TRAVAIL.
IESTAT du Hogan des Vents


Il est très important de se renseigner sur la race du chien de Montagne des Pyrénées avant de faire l’acquisition d’un chiot ou d’adopter en refuge. Ce qui est valable pour le Montagne des Pyrénées l’est également pour toutes les autres races de chiens de protection. C’est le cas notamment des Kangal régulièrement abandonnés dès qu’ils atteignent l’âge d’un an par des personnes incapables de les gérer et de leur offrir un environnement de vie satisfaisant.

Il est tout aussi important d’être accompagné par un spécialiste de la race capable de vous expliquer le comportement du chien, de vous rassurer, de vous conseiller, et de vous encourager durant les premiers mois suivant l’arrivée du nouveau compagnon de la famille.

Pour se faire aider dans l’éducation – et non pas le dressage – du chiot ou du chien, le recours à un éducateur ou un comportementaliste canin est envisageable à la condition expresse qu’il connaisse parfaitement bien les chiens de protection.

Comme il n’est pas possible de changer la génétique du chien, le seul levier d’action pour modifier des comportements indésirables est la gestion de l’environnement.

Le TTouch est une technique intéressante pour les chiens sortis de refuge. Il permet d’harmoniser le physique, le mental et l’émotionnel du chien qui a traversé de rudes et tristes épreuves. Il favorise également la qualité du lien entre le chien et son nouveau propriétaire. Pour plus d’explications sur cette approche respectueuse du chien, voir le site de l’association des praticiens français dont je fais partie (voir lien ICI).


TOUT est dans la relation entre l'Homme & son Chien
HAGAKAN du Hogan des Vents & Mathieu


RAPPELS ESSENTIELS

Avant d’adopter un Montagne des Pyrénées, il est nécessaire de comprendre les fondamentaux historiques des chiens de protection :

  • De tout temps les chiens de protection n’ont jamais travaillé seuls, ils travaillent en meute avec d’autres chiens de protection.
  • S’il n’a pas été sélectionné pour être agressif envers l’humain, il n’en reste pas moins que c’est un chien très puissant du fait de son rôle de protecteur de troupeaux car il doit être capable de faire face à l’ours et au loup.
  • Les chiens de protection n’ont jamais été laissés seuls au troupeau sans présence humaine ; ils travaillent en partenariat avec leurs humains. Ils ne sont pas les remplaçants des bergers, ils sont leurs partenaires de travail. Cependant ils ne répondent pas ou peu aux ordres. Ce fonctionnement du chien demande un lâcher prise qui reste très difficile à acquérir pour la plupart des personnes.
  • Les chiens de protection apprennent leur métier dans leurs trois premières années en imitant le comportement des adultes. Cette génétique particulière est sélectionnée depuis des siècles au contact des grands prédateurs.
  • Les fréquents croisements entre chiens de protection et chiens de conduite, typiquement « patou x Border collie » sont totalement à proscrire. Les chiots issus de ces accouplements, la plupart du temps accidentels, sont porteurs de deux instincts totalement opposés, celui de la prédation et celui de la protection. De ce fait leurs comportements sont imprévisibles et leur gestion délicate.
  • Les chiens de protection protègent simultanément un troupeau et un territoire. Ils savent très bien se répartir géographiquement sur la zone à protéger. Evidemment ils doivent être assez nombreux. Certains restent dans le troupeau et ses alentours immédiats alors que d’autres patrouillent plus loin des animaux afin de marquer le territoire, de détecter le danger et de bloquer les prédateurs en approche. En aucun cas ces chiens n’ont été sélectionnés pour tuer les prédateurs. L’agressivité ne fait pas partie des qualités recherchées chez un chien de protection, par contre le chien doit posséder un très fort mental pour faire face aux prédateurs.
  • Les chiens ont des rapports d’affection entre eux et avec les animaux qu’ils protègent. Ils se connaissent et se reconnaissent. Ces relations doivent être absolument préservées et ne peuvent pas être modifiées à tout bout de champ lors de changements de lots ou en séparant les individus de la meute.

Les patous se positionnent naturellement sur les points hauts afin d'observer tout leur territoire et leurs animaux.
Depuis des siècles les chiens de protection travaillent en meute.


 

LE PATOU, CHIEN DE COMPAGNIE

Il faut bien réaliser que le chien de protection devenu chien de compagnie va conserver ces caractéristiques inscrites dans son patrimoine génétique. Ainsi sachez que :

Le Montagne des Pyrénées n’est pas fugueur comme je l’entends dire trop souvent. C’est un patrouilleur né qui parcoure tous les jours son territoire afin de détecter l’éventuelle présence de prédateurs. Il en profite aussi pour marquer ce territoire avec ses crottes et ses urines afin de se signaler aux prédateurs de passage. Dans notre monde moderne il est nécessaire que ce territoire soit délimité par une bonne clôture et que le chien dispose de suffisamment d’espace. Si votre chien sort de la clôture, le problème ce n’est pas le chien, le problème c’est la clôture.
Compte tenu de cet instinct de patrouilleur je déconseille totalement, pour ce type de chien, les promenades en totale liberté. Vous pourrez avoir l’illusion de contrôler le chiot pendant un certain temps, mais vous ne pourrez pas contrôler le chien adulte. L’utilisation de la longe est une bonne alternative permettant d’assurer la sécurité du chien tout en lui laissant la possibilité d’explorer sous le contrôle de son humain.

Le Montagne n’est pas fait pour rester tout seul au fond d’un jardin. Il a besoin de vivre avec d’autres chiens, ou si ce n’est pas le cas, d’avoir un gardien présent la plupart du temps. Lui confier la protection de quelques animaux lui apportera un meilleur équilibre car un chien de protection travaille toute sa vie, 24 heures sur 24, même s’il est chien de compagnie.

Le Montagne n’est pas inutilement aboyeur. C’est un chien de protection. L’aboiement est une caractéristique présente chez toutes les races de chiens de protection. L’aboiement est le premier rempart face aux prédateurs (ou aux personnes mal intentionnées). Il signale la présence des chiens et suffit la plupart du temps à repousser les intrus. Dans mon élevage je sélectionne le contrôle de l’aboiement depuis de nombreuses années comme tous les autres critères physiques fonctionnels qui font le chien de protection. Ce n’est malheureusement pas le cas chez tous les éleveurs de chiens Montagne. Hors cette caractéristique est très importante pour les chiens de compagnie. Un chien qui aboie à longueur de temps a de grandes chances de finir à la SPA suite aux plaintes des voisins. C’est sans conteste la première cause d’abandon des Montagne des Pyrénées en refuge.

Les Montagne des Pyrénées aboient naturellement à la tombée de la nuit pour signaler leur présence aux prédateurs. Il ne faut pas les punir pour ce comportement tout à fait normal.

Le Montagne n’est pas têtu. Il est indépendant et intelligent, capable de prendre des initiatives en dehors de la présence de son maître. Il ne répond que très peu aux ordres de l’humain.

Le Montagne ne demande pas une éducation très ferme. C’est même exactement le contraire dont il a besoin pour se construire de façon équilibrée et harmonieuse. Il fonctionne au respect et à l’amour qui lui sont accordés par son humain. Dans ce cas il peut obéir pour vous faire plaisir. Cependant s’il sent un danger, sa priorité sera de vous protéger. Il ne répondra plus à vos ordres (notamment le rappel).

Pour vivre avec un Montagne des Pyrénées il faut le comprendre. Les cours d’éducation type école du chiot ne conviennent pas du tout à un chiot Montagne. Il faut bien dire que la plupart des éducateurs canins ne connaissent pas les particularités des chiens de protection. La répétition des ordres lasse les chiens et les met sous pression. Par contre le chiot doit pouvoir jouer aussi souvent que possible avec d’autres chiots et d’autres chiens s’il est le seul chien de la famille. Le jeu est essentiel à l’apprentissage et au bon équilibre des chiots. Je ne place jamais de chiot dans une famille qui le laisserait seul toute la journée car c’est pour moi de la maltraitance. Dans ce type de situation la présence d’un deuxième chien qui tiendra compagnie au chiot et participera à son éducation est un impératif.

J’ai développé au cours de ces 20 dernières années des protocoles d’éducation spécifiques pour les Montagne au travail et pour les Montagne à la compagnie. Ils sont consultables sur mon site et dans mon dernier ouvrage « Le Montagne des Pyrénées – Chien de protection de troupeaux » disponible sur mon site


Lien vers livre LE MONTAGNE DES PYRENEES - CHIEN DE PROTECTION DES TROUPEAUX


Avec 516 pages et 480 photos, c’est l’ouvrage en Français le plus important jamais produit sur le Montagne des Pyrénées.



Avec 516 pages et 480 photos, publié en 2023, c’est l’ouvrage en Français le plus important jamais produit sur le Montagne des Pyrénées.

Il est destiné aussi bien aux professionnels qu'aux particuliers possédant un Montagne à la compagnie.

A commander uniquement sur le site du Hogan des Vents :

Lien vers livre LE MONTAGNE DES PYRENEES - CHIEN DE PROTECTION DES TROUPEAUX

 

Il vous permettra de mieux comprendre le fonctionnement de vos patous afin de leur offrir une vie épanouissante et bien remplie. Du chiot nouveau né au vieux chien vous découvrirez comment prendre bien soin de vos compagnons.

Le Montagne des Pyrénées de compagnie connaît et reconnaît sa famille au sens large du terme. Elle inclut ses humains et leurs animaux domestiques. Il est méfiant envers les personnes étrangères et ne se laisse pas manipuler par elles. Le contact avec ces chiens ne doit jamais être forcé par des inconnus, adultes ou enfants. Votre chien, ou votre chiot tout mignon, n’a pas à être touché ou caressé ou manipulé par toutes les personnes que vous croisez dans la rue ou qui vous rendent visite. Ce privilège revient uniquement aux propriétaires et à leurs enfants.
Lorsque vous recevez des visiteurs le Montagne va les considérer comme de potentiels dangers. Souvent il va naturellement s’interposer entre vous et les personnes étrangères. Il ne relâchera pas sa surveillance pendant tout le temps de la visite et sera prêt à intervenir dans la seconde. Il faut en être bien conscient.

Le Montagne n’est pas un chien de garde. C’est un chien de protection. Ces deux fonctions sont très différentes. Il ne faut pas les confondre. Un Montagne des Pyrénées protège du vivant avec lequel il a des interactions positives et amicales. Il n’est pas agressif envers les humains qui savent rester à leur place.
Les chiens de garde comme les Malinois – anciens chiens de berger dévoyés par l’humain – protègent des bâtiments, un lieu, ou sont utilisés comme des armes. Ils sont totalement sous le contrôle de l’humain. C’est très différent du Montagne qui demande au connaisseur de la race un lâcher prise total et une relation basée sur une confiance réciproque.

Le Montagne des Pyrénées restera toute sa vie un chien de travail, même au sein d’une famille. Il faut lui offrir – pour son bien être – la possibilité d’exercer son talent car il a besoin de se sentir utile et de protéger des êtres vivants. Dès qu’il en aura l’occasion un patou se placera en hauteur de façon à pouvoir observer tout son environnement. Quelques poules, 3-4 moutons ou chèvres, des chevaux, peuvent participer de façon très efficace à son épanouissement, et par là même à la qualité de la relation que vous développerez avec lui.

Il est évident que la place d’un Montagne des Pyrénées n’est pas en ville, ni en lotissement, sauf situations très particulières.

Vivre avec un Montagne des Pyrénées est un privilège et sera un grand bonheur à la condition de lui offrir un environnement adapté à ses besoins.


(1) Remerciements à Linda Bini, Martine Ascoli et Audrey Ventura de Cynoconsult pour leurs apports dans ma réflexion au sujet de l’adoption en refuge du Montagne des Pyrénées.


© Dr Mathieu Mauriès 2024