Le drame du chien de protection en France
Le lien entre le berger et ses chiens est millénaire, c’est un lien de travail, d’amour et de respect réciproque.
(Photo Laurent Berizzi AGRILEARN)
SOMMAIRE
Préambule
1 – Retour dans l’histoire
2 – Un constat d’échec évident dans la protection des troupeaux
3 – Quand l’éthologie et la recherche répondent aux abonnés absents
4 – Une filière pour la production de chiots qui se cherche
5 – Evaluer les chiens de protection
6 – La question financière du chien de protection
7 – Faut-il faire de la recherche sur les chiens de protection ?
8 – En conclusion : vous avez dit « chien de protection » ? Quésaco ?
PREAMBULE
Cet article est issu de mes 30 ans de recherche, d’élevage, de sélection et d’expérience dans le placement de chiots destinés à la protection de troupeaux. Mon élevage est connu sous l’affixe « du Hogan des Vents ». J’ai travaillé avec différentes races de protection : Montagne des Pyrénées, Kangal, Mâtin espagnol, Dogue du Tibet et leurs croisements. Sur ce sujet passionnant des protecteurs de troupeaux, ce sont mes chiens qui m’ont tout appris. Il faut avoir l’humilité de le reconnaître. Ils sont de formidables enseignants pour qui sait les comprendre et leur laisser la possibilité d’être totalement ce qu’ils sont : des protecteurs nés.
Mon cursus de scientifique m’a permis d’aborder la question du chien de protection avec logique, rigueur et honnêteté. J’ai ainsi produit de nombreux articles sur le sujet et deux ouvrages. Ma réflexion sur ce chien si particulier est en perpétuelle évolution.
Il m’a fallu 20 ans pour acquérir des compétences significatives en matière de chiens de protection. Ces compétences reposent sur un travail bibliographique important. Et sur l’observation du comportement de mes chiens dans les conditions les plus naturelles possibles. Mes interventions ont été très réduites pour leur laisser toute liberté d’agir. C’est ainsi que j’ai pu, par exemple, observer que certains chiens se liaient préférentiellement à mes ânes plutôt qu’à mes ovins et mes caprins. Observation démontrant qu’il serait possible de sélectionner des chiens de protection avec une affinité particulière pour les équidés.
Arriver à ce lâcher prise fut fort complexe car cela ne fait pas partie de nos habitudes en matière d’éducation canine. En effet nous sommes, pour la grande majorité, formés dans le contrôle du chien. Aujourd’hui je ne donne plus aucun ordre à mes chiens de protection.
NAYA du Hogan des Vents à la protection de mes ânes.
La protection des équidés et des bovins nécessite de sélectionner des lignées de chiens présentant une affinité particulière pour ces deux espèces.
Le chien de protection
C’est Un Savoir Faire & Un Savoir Etre
Un très long Apprentissage
Tant pour l’humain que pour le chien
1 – Retour dans l’histoire
Au retour du loup en France en 1992, le dossier « Chiens de protection » a été confié, par défaut, à des spécialistes des chiens de conduite. Or il n’y a pas plus opposé en termes d’approche et de comportement que chiens de conduite et chiens de protection. Les premiers sont entièrement contrôlés par l’humain alors que les seconds demandent un lâcher prise total du fait même de leur fonctionnement naturel.
En France, il y a trente ans, le chien de protection, faute de mieux, a été mis entre les mains de personnes qui n’avaient pas les compétences nécessaires pour le comprendre et l’utiliser à sa juste mesure. Loin d’être anecdotique cette situation a toujours des répercussions désastreuses sur l’introduction de chiens de protection dans les troupeaux français, et en corollaire sur la protection même des troupeaux (2).
A l’époque, la seule référence dite « scientifique » provenait des Etats-Unis et du couple Coppinger. En France, tout savoir-faire concernant les chiens de protection était perdu depuis plus d’une centaine d’années. La méthode Coppinger a donc été adoptée d’emblée.
Les premiers chiens de protection importés par Raymond Coppinger aux Etats Unis provenaient de différents pays qui les utilisaient traditionnellement au travail de protection. Bien que Coppinger ait pu observer ces chiens au travail dans leurs pays d’origine, il a complètement sous estimé l’importance du milieu dans lequel ils étaient élevés et la façon dont les bergers les utilisaient. De compagnons de travail des bergers, il les a transformés en « outils de travail ».
La méthode Coppinger résumée en une seule photo ...
Le chiot sous le contrôle de Coppinger en personne et la fameuse « fixation » au troupeau
décrétée par l’humain alors qu’elle n’a aucun sens pour le chien de protection.
Coppinger a totalement ignoré les besoins fondamentaux des chiots qui sont des besoins de jeu, de sécurité, de soutien, d’affection, de confrontation et de formation par les chiens adultes. Les chiots formés selon cette méthode se construisent sur la peur et non pas sur la confiance comme c’est le cas par exemple pour les louveteaux qui sont élevés au sein d’une meute familiale jusqu’à au moins deux ans. Cela leur permet de recevoir un réel enseignement des adultes et de développer leurs compétences. Un chiot élevé dans l’isolement de ses semblables n’apprend rien. C’est pourtant la méthode préconisée en France.
Une des pires erreurs qui a été commise a été de croire qu’il fallait créer chez les chiots un attachement au troupeau au prétexte que le chiot manipulé par l’humain risquait de délaisser son troupeau pour rejoindre son humain.
C’est le terrible principe de « la fixation au troupeau » – terme effroyable s’il en faut – devenue quasiment une religion dans les institutions agricoles françaises. Il s’agit en fait de maltraitance à la lumière de nos connaissances en éthologie du chien : séparation précoce de la mère et de la fratrie dès huit semaines avec mise en isolement du chiot, et aucun contact avec d’autres chiens jusqu’à l’âge de quatre mois. Puis chien travaillant tout seul dans son troupeau (3). Depuis plus de vingt ans, avec près de 300 chiots nés chez moi, et placés au travail, j’ai démontré sans l’ombre d’un doute l’absurdité de cette approche.
Ce principe est totalement erroné car l’attachement au troupeau est génétique. Il est sélectionné depuis des siècles par les bergers. Les chiots vont naturellement vers les animaux du troupeau et établissent avec eux un lien durable. En aucun cas ce n’est l’homme qui décrète l’attachement au troupeau avec quelque protocole que ce soit. Soit le chien a la bonne génétique et il va s’attacher naturellement au troupeau, soit il ne l’a pas et personne ne pourra jamais le transformer en chien de protection. Bien sûr il faut mettre les chiots en condition d’exprimer tout leur potentiel génétique. Et il est important de leur proposer un environnement adapté chez le naisseur, et plus tard au sein de leur nouveau troupeau.
En Turquie, les Kangal chiots naissent dans les villages et les premiers rapports en dehors de la mère et de la fratrie, ce sont les humains, surtout les enfants. Et ils n'en deviennent pas pour autant de mauvais protecteurs de troupeau.
Le chien de protection est le compagnon et le partenaire du berger avec lequel il a une relation d’affection et de travail. Aujourd’hui encore certains pseudos spécialistes du chien de protection les qualifient toujours d’outils tels des « effaroucheurs mobiles ». Rien n’est plus loin de la vérité.
En 2013 je parlais déjà du paradoxe français concernant les chiens de protection (4). Le chien de protection est toujours traité par défaut. Il est pourtant le moyen le plus effcace de protéger les troupeaux mais aussi le retour des grands prédateurs car c’est un moyen de protection non létal.
Les fondamentaux du chien de protection
A cette époque encore les fondamentaux du chien de protection ont été totalement ignorés :
- De tout temps les chiens de protection n’ont jamais travaillé seuls, ils travaillent en meute avec d’autres chiens de protection, souvent de la même famille. Entre la meute de chiens et la meute de loups c’est le rapport de force qui sera déterminant pour la protection du troupeau. Aujourd’hui il n’est pas rare de trouver dans les Alpes des meutes d’une dizaine de chiens voire plus.
- Les chiens de protection n’ont jamais été laissés seuls au troupeau sans présence humaine ; ils travaillent en partenariat avec leurs humains y compris lors des attaques de prédateurs.
Chiens de Montagne des Pyrénées, notre race de protection nationale.
Contrairement à d’autres races de protection, le Montagne est plus affectueux avec les humains du fait même de son histoire
car il a toujours vécu dans de petits villages pyrénéens au contact rapproché des humains.
- Les chiens de protection apprennent le métier dans leurs trois premières années en imitant le comportement des adultes qui assurent également leur protection.
- Les chiens de protection protègent simultanément un troupeau et un territoire. Ils savent très bien se répartir géographiquement sur la zone à protéger. Certains restent dans la proximité immédiate du troupeau alors que d’autres patrouillent plus loin des animaux afin de marquer le territoire, de détecter le danger et de bloquer les prédateurs en approche. En aucun cas ces chiens n’ont été sélectionnés pour tuer les prédateurs. L’agressivité ne fait pas partie des qualités recherchées chez un chien de protection. Le chien doit par contre posséder un très bon mental et du courage pour faire face à l’ours et au loup. Ces caractéristiques font partie de la sélection menée par les bergers depuis des siècles.
- Les chiens ont des rapports d’affection entre eux et avec les animaux qu’ils protègent. Ils se connaissent et se reconnaissent. Ces relations doivent être absolument préservées et ne peuvent pas être modifiées à tout bout de champ lors de changements de lots ou en séparant les individus de la meute. Ils recherchent également le soutien et l’affection de leur berger avec des variations importantes selon les races et le milieu dans lequel elles ont été développées. Les Kangal ou les Dogue du Tibet sont ainsi beaucoup plus distants avec leur humain de référence que les Montagne des Pyrénées.
- Enfin face au loup ou à l’ours il est totalement illusoire d’espérer remplacer les chiens de protection par des ânes, des chevaux ou des lamas. Si ces derniers peuvent avoir une certaine efficacité face aux chiens errants ou aux renards, ils font aussi partie du menu des grands prédateurs. Les éleveurs d’équidés et de bovins se sont crus un temps à l’abri du loup compte tenu de la taille de leurs animaux. Ils sont en train de sérieusement déchanter face à la réalité de la prédation sur les grands herbivores. Lorsque les ânes sont élevés depuis leur naissance avec des chiens de protection, ils peuvent néanmoins travailler en équipe avec ces derniers.
Les ânes peuvent servir de sentinelles pour les chiens de protection. Grâce à leur hauteur et leurs grandes oreilles ils participent à la détection des prédateurs. Dans mon troupeau ânes et chiens se côtoient sans aucun problème. Les ânesses suitées ne montrent aucune agressivité envers les chiens de protection qui sont aussi très protecteurs avec les ânons qui les considèrent même comme des compagnons de jeu occasionnels. En aucun cas les ânes ne peuvent protéger à eux seuls un troupeau contre les grands prédateurs. Cette légende a la peau dure !
Le rôle des chiens de protection est d’empêcher les prédateurs d’approcher le troupeau et non pas de les combattre lorsqu’ils attaquent un troupeau. Grâce à leur odorat très développé, les chiens les détectent à distance et peuvent ainsi les bloquer.
Par leurs aboiements de nuit et en marquant le territoire avec leurs urines et leurs excréments, les chiens, mâles et femelles, établissent un périmètre de sécurité autour du troupeau. Ils signalent ainsi leur présence aux prédateurs. Ils occupent un territoire à l’égal des meutes de loups. Ils évitent ainsi la plupart du temps toute confrontation directe avec les canidés sauvages auxquels le message est clairement destiné. L’utilisation de chiens dans des parcs clôturés de petite taille ne leur permet pas d’exprimer cette aptitude car les prédateurs ont alors la possibilité de s’approcher très prés du troupeau. L’objectif premier du berger est d’éviter la prédation, pas de tuer le prédateur. Comme le disait un collègue américain, la réussite des chiens de protection se compte en nombre de moutons vivants et non pas en nombre de prédateurs tués.
Utiliser un chien de protection tout seul dans des parcs clôturés de moins d’un hectare va à l’encontre de son comportement naturel, de son bien-être et surtout de son efficacité.
Quand il s’agit d’humains, les chiens ont besoin de venir au contact pour identifier les intrus qui approchent de leur troupeau. C’est une des choses les plus compliquées à faire comprendre aux non agriculteurs. Les personnes ont parfois des réactions très violentes face aux chiens qui approchent (hurlements, coups de bâton, jets de pierre, bombes lacrymogènes au poivre ...) alors qu’il suffit de s’immobiliser et d’attendre que les chiens vous reniflent. C’est effectivement très impressionnant surtout pour les personnes qui ont peur des chiens. Les éleveurs posent des panneaux informatifs à proximité des troupeaux afin d’informer les passant sur la conduite à tenir face aux chiens de protection. Malheureusement très peu les lisent. Une fois que les chiens ont identifié les intrus comme un non danger, ils retournent naturellement à leur troupeau.
Sur certains sites en montagne des maraudes sont organisées en saison estivale pour sensibiliser les vacanciers au pastoralisme et à l’attitude à adopter face aux chiens de protection.
Finalement les chiens de protection sont utilisés en France dans des conditions pour lesquelles ils n’ont jamais été traditionnellement sélectionnés. Depuis trente ans les chiens de protection sont éduqués sur des bases erronées sans que la méthode « officielle » n’ait jamais été évaluée dans ses résultats par des prestataires indépendants.
Alors que le loup ne cesse de gagner de nouveaux territoires, la mise en place de chiens de protection se fait toujours sans la moindre anticipation et dans l’urgence. Il faut pourtant quatre ans pour mettre en place des chiens totalement opérationnels.
L’efficacité des chiens de protection se joue lors de leur première introduction chez des débutants en la matière. Ces derniers commettent, de façon involontaire, et en interprétant mal le comportement des chiots, de nombreuses erreurs qui peuvent nuire ultérieurement à la gestion et à l’efficacité de leurs chiens (5).
Les deux premières années sont éprouvantes pour ces débutants qui naviguent entre émerveillement absolu et désespoir le plus total en fonction du comportement de leurs chiots. D’où la nécessité d’être encadré par un véritable expert du sujet capable d’analyser, de rassurer, de proposer et d’encourager.
Passé les trois premières années suivant l’introduction de chiens, ces derniers deviennent compétents et sont à même d’éduquer une nouvelle génération de chiots. Plus ils sont expérimentés, plus ils sont aptes à former des chiots qui seront efficaces dans leur rôle de protecteurs.
L’introduction de nouveaux chiots sera alors beaucoup plus facile car les chiens adultes prendront le relais des humains pour leur formation et leur protection. Ils seront les parents et les professeurs des nouveaux chiots. Le berger n’aura plus à intervenir que de façon très ponctuelle pour compléter leur éducation, les sociabiliser, et les recadrer si nécessaire. Il pourra ainsi produire, avec sa propre méthode, des chiens adaptés à son fonctionnement et à son contexte particulier. Les agneaux naitront au milieu des chiens de protection et ils les considéreront comme partie intégrante du troupeau. Les premiers chiots naitront au milieu des brebis et une réelle harmonie se mettra en place entre les chiens de protection, les chiens de conduite, le troupeau et leur berger. Cela demandera bien sûr quelques années.
Quand la génétique parle d’elle-même.
Nul besoin d’expliquer à un chien de protection qu’il doit s’attacher à son troupeau et le protéger.
Les bergers sélectionnent des chiens pour assurer cette fonction depuis des siècles.
Le chien de protection : un bouleversement profond des systèmes d’élevage
Introduire des chiens de protection pour la première fois dans un troupeau parce que des prédateurs comme le loup arrivent sur un nouveau territoire, ce n’est pas simplement ajouter des chiens dans un troupeau.
C’est déjà avoir quatre ans de retard dans la mise en place des chiens. Quatre ans, c’est le temps minimum nécessaire à la formation des chiens et à leur découverte et maîtrise du territoire sur lequel évolue leur troupeau.
Le processus est nettement plus compliqué qu’il n’y paraît de premier abord. L’utilisation de chiens de protection modifie en profondeur l’organisation du travail, de l’élevage et de la ferme. L’arrivée des chiens de protection est un véritable bouleversement dont les conséquences sont très lourdes pour les éleveurs et les bergers. Conséquences d’autant plus importantes que les éleveurs n’y sont pas du tout préparés.
Ces conséquences sont largement sous estimées par la plupart des participants au débat sur le retour des grands prédateurs en France. La présence de chiens de protection entraîne une réelle surcharge de travail avec un coût financier non négligeable pour l’entretien des chiens. Les chiens sont au quotidien une source inépuisable de tracas pour leurs propriétaires notamment dans leurs interactions avec les consommateurs de Nature. Il y a un temps d’apprentissage et de découverte, à la fois pour les chiens et pour les hommes, et il est long. Malgré tout les chiens de protection restent le meilleur moyen de protéger les troupeaux. Moyen de protection non létal, le chien de protection protège la plupart du temps le prédateur car il le repousse sans intention de le tuer. Il répond ainsi parfaitement aux attentes de la société qui plébiscite le retour du loup et de l’ours.
Les bergers ont besoin de chiens en bonne santé, équilibrés et efficaces au travail. Ces caractéristiques ne peuvent découler que d’une réelle sélection génétique qui fait aujourd’hui défaut en France. Les chiens quant à eux ont besoin de bergers qui les comprennent ce qui demande un lâcher prise inhabituel et difficile à acquérir d’autant plus que mythes et légendes erronés continuent de courir la campagne.
Enfin le chien de protection n’échappe pas aux effets de mode. Le Montagne des Pyrénées ou patou est notre chien de protection national. Il représente encore la grande majorité des chiens utilisés dans les troupeaux en France. Néanmoins de nouvelles races de chiens sont apparues au fil du temps. Il y a eu la mode de l’Estrela puis du Kangal. Aujourd’hui c’est le Cao de Gado Transmontano qui est sur le devant de la scène.
Le problème des races étrangères est qu’elles disposent d’un réservoir génétique très limité. Il est alors difficile d’assurer leur survie à long terme sauf à importer régulièrement de nouvelles lignées, ce qui reste à la fois coûteux et hasardeux. Il y a donc un risque de voir le niveau de consanguinité augmenter fortement dans ces populations dont le suivi génétique est aujourd’hui quasi inexistant. Inévitablement cela impactera à terme leur rusticité et leur efficacité au travail.
En tout état de cause c’est la qualité du naisseur bien plus que la race du chien qui fait la qualité du chien de protection.
Je ne m’étendrai pas sur le triste sort de tous ces chiens de protection qui se retrouvent à la compagnie dans des environnements totalement inadaptés à leur génétique, auprès de personnes qui ne les comprennent absolument pas (6). Ils finissent souvent abandonnés en refuge dès qu’ils atteignent l’adolescence car leurs gardiens deviennent incapables de les gérer. Une information claire devrait être largement diffusée auprès des particuliers désireux d’adopter ce type de chiens afin de leur éviter l’euthanasie qui est souvent la dernière solution envisagée (7). Il en va également de la responsabilité des éleveurs et des bergers de ne pas confier de chiots à des particuliers sans avoir vérifié que les conditions de vie du futur chien sont convenables. Il est totalement irresponsable de placer ce type de chiens en ville ou en lotissement.
2 – Un constat d’échec évident dans la protection des troupeaux français
Trente ans après le retour du loup en France, le constat est accablant et sans appel. En voici pour preuve ces EXTRAITS du rapport « Le loup et les activités d'élevage : comparaison européenne dans le cadre du plan national d’actions 2018/2023 (2) :
« La mission a été frappée par trois caractéristiques qui se dégagent de la comparaison qu’elle a conduite : [en Europe] la France détient de très loin les records du nombre de dommages (en valeur absolue ou rapportés au nombre de loups), du coût public de la protection et du montant des indemnisations de dommages. Cette situation surprend nombre des interlocuteurs rencontrés et conduit à s’interroger sur l’efficience du système mis en place au fil des ans par notre pays.
Ainsi, loin d’un modèle uniforme ou d’une solution technique « miracle », les pays ou régions modulent très différemment chacune des composantes du triptyque bergers/chiens/clôtures dans des approches qui peuvent apparaître parfois contradictoires d’un endroit à l’autre. L’adaptation au contexte local (celui de l’exploitation, de la zone de pâturage, de l’estive) est en tout état de cause prépondérant. Est également essentiel l’engagement de l’éleveur, avec l’appui de structures de conseil, indispensable pour trouver les solutions durablement efficaces.
Deux caractéristiques se dégagent en revanche partout : le berger fait indissociablement partie de l’activité d’élevage, ce qui exclut l’octroi d’aides, liées à la présence du loup, pour son financement ; un troupeau doit être limité en taille pour pouvoir être bien suivi et protégé de façon efficace, la limite maximale ne dépassant pas les 800 à 1 000 têtes, et la moyenne étant beaucoup plus faible dans tous les pays visités (300 à 600 têtes).
La question de la qualité des chiens de protection, donc l’organisation de leur filière de production, y compris sa traçabilité, est un des points clef, même si on ne compte pas sur eux de la même façon dans tous les pays. C’est une condition et un des gages d’efficacité majeurs des mesures de protection.
Il est clair pour tous les interlocuteurs rencontrés qu’aucun système de protection n’est infaillible, tant le loup est capable de s’y adapter ou de le contourner. Il faut donc avoir conscience que des dégâts subsisteront, même si les pays visités montrent que leur limitation est tout à fait possible. »
Confirmation s’il en faut par MEURET et al. de l’INRAE dressant le bilan de 27 ans de coexistence avec le loup : « On le voit bien, l’échec de la protection des troupeaux est patent. » (8).
Là encore les chiens de protection sont implicitement mis en accusation pour leur inefficacité, sans la moindre analyse de fond. Or le chien est le seul moyen de protection capable de s’adapter aux changements de stratégies des meutes de loups. Toutes les technologies aujourd’hui à l’essai (effarouchement et répulsion du prédateur, rehaussement et enfouissement des clôtures, capteurs de stress chez les proies, drones détecteurs de loup avec projection de produit répulsif, épandages d’urines et de crottes de loups étrangers sur les périmètres des pâturages ...) sont incapables de rivaliser avec de bons chiens de protection. Les chiens sont également un moyen de protection non létal correspondant aux termes règlementaires des Annexes de la Directive européenne Habitats qui privilégie toutes les mesures non létales possibles vis-à-vis d’un prédateur sous statut de protection stricte.
En définitive ce ne sont pas les chiens de protection qui sont en échec en France, c’est la façon dont ils sont utilisés et sélectionnés – ou plutôt pas sélectionnés – faute d’un référentiel scientifique sérieux (4).
Il m‘est arrivé à plusieurs reprises que des éleveurs du sud-est possédant 1500 ou 2000 brebis me contactent pour un chiot parce que leur patou de 9 ou 10 ans commençait à fatiguer !!! Souvent le pauvre chien, qui avait atteint depuis longtemps l’âge de la retraite, prenait la poudre d’escampette se sachant par avance condamné en cas de confrontation avec les loups.
Trente ans après le retour du loup, il n’y a toujours aucun schéma national de sélection effectif pour les chiens de protection. Il en existe pourtant depuis très longtemps pour toutes les autres espèces d’animaux de ferme. Cette situation est totalement incompréhensible, à moins qu’elle ne soit délibérément consentie pour de sombres objectifs concernant l’élevage français de plein air ?
3 – Quand l’éthologie et la recherche répondent aux abonnés absents
Comment introduire de façon efficace des chiens de protection dans un troupeau naïf, c’est-à-dire qui ne connaît pas ce type de chiens, en prévision de l’arrivée de grands prédateurs (loups, ours, chacal doré) ? C’est LA question essentielle à laquelle nous devons répondre.
De nombreux débats totalement stériles enflamment les réseaux sociaux depuis des lustres. Et je ne parle même pas de la censure systématique exercée à l’encontre de mon travail dans les réseaux traitant du chien de protection. Il ne fait pas bon contrer le narratif officiel. La tyrannie de la pensée unique est une triste réalité dans notre société.
Trois questionnements ont cependant émergé de ces débats concernant la première introduction de chiots de protection chez les débutants en la matière.
De fait il est plus que nécessaire de développer une véritable approche scientifique du sujet. Et des expérimentations de terrain devraient donc apporter des réponses concrètes à ces trois questions, à savoir :
#1 : Faut-il placer un chiot unique ou placer deux chiots ensemble ?
#2 : Faut-il placer les chiots à deux mois ou placer les chiots à trois mois ?
#3 : Faut-il castrer ou pas les chiens de protection ?
Il est navrant de constater que plus de trente ans après le retour du loup personne n’ait pensé à mettre en place ce type de recherches. Elles sont pourtant essentielles à la protection des troupeaux et à une meilleure acceptation des grands prédateurs par les éleveurs. Par exemple, la stérilisation des chiens, très banalisée, pose de réels problèmes de santé et de comportement (9). Je ne peux que déplorer une véritable réflexion de fond sur le chien de protection en France.
N’oublions pas que le retour du loup et de l’ours est largement plébiscité par la société civile. Néanmoins les éleveurs ne devraient pas être les seuls à en supporter les très lourdes conséquences tant financières que morales. L’état français aurait dû prendre en charge tout l’encadrement technique nécessaire à la protection de nos troupeaux depuis longtemps. Cependant le constat est clair, il n’y a eu aucune anticipation, il n’y a toujours aucune anticipation, et ce sont les bergers, les éleveurs, leurs chiens et leurs troupeaux qui en font les frais
Après plus de vingt ans d’observations de mes chiots et de mes chiens, je connais les réponses à ces trois questions. Elles ont donné lieu à la création de mes protocoles d’éducation consultables dans mon dernier ouvrage (10). Ces protocoles sont remis régulièrement à jour en fonction de mes nouvelles recherches et observations.
Un chien éduqué tout seul dans son coin – c’est la méthode officielle en France – aura forcément un répertoire comportemental plus limité et une réactivité plus grande. Il gèrera ultérieurement avec beaucoup plus de difficultés des situations complexes, notamment les interactions avec des humains inconnus.
Pour le chien de protection, je constate que la science n’a pas été au rendez-vous malgré mes nombreuses publications sur le sujet (4) (11) (12) (13) (14) (15) (16) (17) (18).
Pire, les conseils donnés sur le terrain par les désignés spécialistes des chiens de protection me laissent plus que sceptique sur leur compréhension des chiens de protection. Par exemple, sur un cas réel voici les conseils prodigués :
A travailler : l’éleveur doit travailler son autorité sur les chiens ; exercice de rappel à faire régulièrement pendant la garde.
Vouloir contrôler des chiens de protection avec des ordres est une absurdité. C’est le respect et l’amour que l’éleveur témoignera à ses chiens qui lui permettra de les contrôler. Néanmoins si les chiens considèrent qu’ils doivent intervenir, ils feront passer leur travail avant toute chose y compris les souhaits de leur berger.
Chaque situation concernant des chiens de protection doit être analysée précisément en fonction de son contexte. Bien souvent la totalité de la situation échappe à la perception des humains qui interprètent de façon erronée le comportement des chiens. Il en va ainsi des interactions entre les consommateurs de Nature et les troupeaux protégés par des chiens qui donnent bien des soucis aux bergers.
Pour une meilleure compréhension des chiens de protection
Un jeune chien de protection est considéré en apprentissage pendant ses deux premières années au troupeau. Jusqu’à ses deux ans je parle de « chiot » et pas de chien.
Ainsi la durée de formation minimum d’un chiot est de deux ans en bonnes conditions, c’est-à-dire sous la supervision de chiens adultes expérimentés dont le rôle est de les éduquer et de les protéger.
Sans adultes expérimentés pour les guider et les protéger, ce temps de formation est inévitablement plus long, et plus proche de trois ans, car les chiots doivent apprendre sur le tas et faire leurs propres expériences. Et ils n’atteindront probablement jamais le niveau de compétence de chiots éduqués par des chiens adultes car ils ne bénéficieront pas de la transmission de la culture de la meute. Ils devront créer une nouvelle culture de meute à partir leurs propres expériences ce qui leur demandera plusieurs années.
En France la Société Centrale Canine (SCC) gère le chien dit « de race » de façon monopolistique. La SCC est elle-même affiliée à une fédération internationale : la Fédération Internationale Canine (FCI).
En juin 2023, la FCI a mis en place des tests d’évaluation pour les chiens de protection. Si l’idée semble à priori bonne, la lecture desdits tests (19) révèle une méconnaissance totale du fonctionnement des chiens de protection.
J’ai déjà expliqué dans mon ouvrage sur le Montagne des Pyrénées que les tests sur les chiens adultes étaient une impasse compte tenu des particularités des chiens de protection. Je ne reviendrai pas sur ces explications que vous pourrez retrouver dans la deuxième édition de mon livre parue en 2023 (20).
Il est déjà aberrant de découvrir dans ce document FCI que le chien de protection peut être testé dès ses 18 mois alors que, rappelons-le, la formation d’un tel chien dure au minimum deux ans, en présence de chiens adultes compétents et expérimentés, ou trois ans, si les chiots sont livrés à eux-mêmes sans chien professeur. À cela s’ajoutent deux ans de découverte de leur milieu pour acquérir de l’expérience. Donc un chien de protection ne devrait pas être valablement testé avant ses quatre ans.
Ensuite, il est incompréhensible que ces tests évaluent le mordant des chiens et leur obéissance au berger dans des situations totalement artificielles (avec dix moutons ou quatre chevaux, ânes ou bovins) dont l’attaque du berger par un inconnu. Cette approche est totalement à l’opposé des aptitudes naturelles du chien de protection.
Il est évident que ces tests ont été imaginés par des personnes qui ont le chien de conduite et le chien d’attaque pour référence. En aucun cas cette série de tests hallucinants n’a de pertinence pour évaluer le potentiel d’un chien de protection.
La mention suivante est d’ailleurs assez révélatrice du fait :
« These rules were approved at the meeting of the FCI Herding Dogs Commission held in Dortmund (DE) on 9th-10th July 2022. »
Traduction : Ce règlement a été approuvé lors de la réunion de la commission chiens de conduite à Dortmund (Allemagne) les 9 & 10 juillet 2022.
Quid du chien de protection ? Nouveau venu dans le monde moderne du chien dit « de race » mais figure historique du pastoralisme, dramatiquement récupéré par les spécialistes du chien de conduite.
Ce document ignore complètement la relation qui existe entre un chien de protection et son troupeau. Les animaux se connaissent et se reconnaissent. Introduire un chien de protection au milieu d’une minuscule troupe d’animaux qu’il n’a jamais vus en lui demandant de les protéger contre des agressions totalement artificielles n’a aucun sens. Vouloir le transformer en chien d’attaque encore moins. Depuis des lustres les chiens de protection sont sélectionnés pour leur non agressivité envers l’humain.
AVANT de tester des chiens de protection à tort et à travers, il faudrait peut-être faire les choses dans l’ordre et mettre en place un programme de sélection. Et pourquoi pas des programmes de recherche tant qu’à faire ?
Pour ce qui est de la sélection j’ai clairement explicité le programme que j’ai mis en place depuis vingt ans chez mes Montagne des Pyrénées (11). Il permet de produire des chiots dont l’apparence et le comportement au travail sont hautement prévisibles. C’est l’objet même d’un programme de sélection qui semble échapper à beaucoup de monde dans le milieu du chien. Un milieu qui confond de façon dramatique les outils de la sélection et l’objet même de la sélection. Faire des tests génétiques ou des radios des hanches et des coudes ce n’est pas faire de la sélection.
Un test pour évaluer l’aptitude au travail de nos chiens de protection ? Et si le chien a conscience qu’il s’agit d’un test, pourquoi perdrait-il son temps à réagir et faire semblant alors qu’il n’y a aucun danger réel pour son troupeau qui n’est d’ailleurs pas son troupeau ? Il ne fait aucun doute que les chiens de protection sont tout à fait capables de faire cette distinction.
4 – Une filière pour la production de chiots qui se cherche
Depuis mon article paru en 2010 dans la revue Cynophilie française (16) intitulé « Montagne des Pyrénées LOF : plaidoyer d’un berger des Alpes » j’explique qu’il est absolument indispensable de monter une filière pour la production de chiots sains, fiables et efficaces au travail de protection.
Il est en effet important que les éleveurs et les bergers puissent acquérir des chiens de bonne qualité pastorale ce qui est encore très difficile aujourd’hui. La sélection est indéniablement une œuvre collective. Elle doit impliquer le plus grand nombre d’éleveurs possible pour être efficace et produire les chiens aux qualités recherchées. Depuis 2010 j’ai malheureusement réalisé que le couple LOF-FCI était incapable d’apporter aux professionnels la moindre réponse valable concernant les chiens de protection. De fait je n’inscris plus mes chiots au LOF ce qui ne les empêche pas d’avoir des généalogies connues et complètes.
En 2006 a été lancé un premier recensement des chiens de protection par l’Institut de l’Elevage. Huit-cents chiens ont été recensés principalement dans les Alpes et dans les Pyrénées. Ce projet n’a malheureusement connu aucune suite utile pour les bergers. Il a disparu dans les oubliettes de la SCC qui avait pourtant vocation à gérer cette base de données.
Nous sommes en 2024. Un nouveau recensement se met en place, encore une fois réalisé par l’Institut de l’Elevage, et la Pastorale Pyrénéenne pour la zone sud-ouest. Si l’idée de base est bonne, elle serait encore meilleure si cette base de données était librement accessible à tous les utilisateurs de chiens de protection. Or ce n’est pas le cas, elle restera donc encore une fois « la chose » de certaines organisations dites professionnelles.
BOUGNETTE du Hogan des Vents et son fils ISIS exporté plus tard sur l’île de la Réunion pour protéger les ovins et les caprins contre les attaques de chiens errants.
La mise en place d’une lignée de travail demande une vingtaine d’années. Malheureusement le chien de protection est toujours considéré comme un sous-produit sans valeur de l’élevage ovin. Et il n’est aujourd’hui absolument pas rentable d’élever des chiens de protection issus d’un véritable programme de sélection.
J’ai aussi plaidé depuis longtemps pour la création d’un réseau d’éleveurs naisseurs de chiots de protection. Là encore un projet se dessine mais les conditions pour faire partir de ce réseau sont d’une telle incurie que je serai le premier à refuser de participer à un projet aussi aberrant.
Une charte d’élevage concernant la production de chiots a été publiée en 2021 (21) après concertation des principales organisations professionnelles liées au chien de protection (Fédération Nationale Ovine, Institut de l’Elevage IDELE, Pastorale Pyrénéenne, Confédération paysanne, Société Centrale Canine, Syndicat National des Vétérinaires d’Exercice Libéral). L’archaïsme des conseils et exigences qu’elle contient m’ont laissé stupéfait.
Ce document est totalement hors-sol, totalitaire dans ses exigences et inapplicable sur le terrain. Pire, il n’est absolument pas à jour des dernières avancées scientifiques sur l’élevage du chien.
Quelques exemples
Cette énormité en page 9 : « Dans les heures qui suivent la naissance, je m’assure que la température du nid est de 28-30°C; j’installe une lampe chauffante ou des bouillottes si besoin ». Ce n’est pas ainsi que se sélectionne la rusticité de chiens censés travailler en extérieur par tous les temps. Certaines de mes chiennes ont mis bas en bergerie alors que la température ambiante était de – 10°C et je n’ai eu aucun problème sur les chiots parce que les mères savent prendre soin de leurs petits.
Ce document est aussi un modèle de désinformation en matière de nutrition du chien. Parmi les engagements exigés pour le naisseur de chiots, en page 18, je cite « Je ne nourris pas mes chiens avec une ration ménagère, mixte ou BARF » s’en suit une liste à la Prévert de mensonges éhontés concernant l’alimentation au cru.
Encore : la vaccination annuelle des chiens dont il est fait l’éloge en page 19 du document concernant : maladie de Carré, hépatite de Rubarth, parvovirose, toux de chenil, leptospirose et rage.
Pourtant, en dehors de la France, de nombreux vétérinaires n’hésitent plus à dénoncer la vaccination annuelle des chiens comme étant criminelle dans la mesure où elle entraîne de nombreux problèmes de santé.
Pire, le vaccin contre la rage apparaît augmenter l’agressivité des chiens dans des proportions inquiétantes (22).
Il faut rappeler que sur le territoire français la vaccination des chiens n’est pas obligatoire. Il est possible de tester le niveau des anticorps d’un chien pour vérifier s’il est utile ou pas de le vacciner à nouveau. Et c’est rarement le cas car la plupart des vaccins protègent les chiens pendant leur vie entière.
Pourtant il est dramatique de constater que la participation au plan loup – et donc le financement des chiens de protection – exige la vaccination annuelle de tous les chiens de protection et notamment le vaccin de la rage alors que paradoxalement la France est un pays indemne de rage. Il s’agit clairement d’un abus de pouvoir de l’administration française qui n’est jamais à cours de zèle comme le savent tous les agriculteurs bénéficiaires de la PAC.
Les vaccins répétés déstabilisent le système immunitaire et conduisent à toutes sortes de maladies chroniques. Ils ne peuvent d’ailleurs pas garantir l’immunité. Ils ne peuvent que réduire la longévité de nos chiens de travail alors que ceux-ci demandent un investissement conséquent.
L’association vétérinaire mondiale des animaux de compagnie WSAVA a publié en 2016 dans le Journal of Small Animal Practice • Vol 57 des recommandations (23) à l’attention des vétérinaires et des propriétaires de chien pour assurer une protection efficace des animaux contre les maladies infectieuses tout en réduisant le nombre de vaccins qui leur sont administrés régulièrement.
Les principes de bases de ces recommandations sont :
Tous les animaux devraient être vaccinés pour les maladies dites universelles, et pour réduire l’administration globale de vaccins, chaque animal ne devrait être vacciné pour les maladies à prévalence géographique locale que si cela est nécessaire.
Les vaccins ne doivent pas être administrés inutilement. Après la primo-vaccination et le rappel effectués à 12 mois sur les chiots, la fréquence d’administration des vaccins dits essentiels ne doit pas être inférieure à une base triennale – tous les 3 ans – car la durée de l'immunité est reconnue pour s’étendre sur de nombreuses années, parfois même durant toute la vie de l'animal.
Le WSAVA recommande et encourage vivement le concept du «bilan annuel de santé» en lieu et place de celui du « rappel annuel de vaccination ». Dans le cadre de ce bilan annuel, le rappel de vaccination, s’il est nécessaire, ne doit être qu’un des éléments de cette visite annuelle consacrée à la santé et au bien-être généraux de l’animal.
Conséquence dans la pratique vétérinaire quotidienne
Vaccins essentiels
1. Le WSAVA recommande de vacciner tous les chiots en « primo-vaccination » contre les maladies universelles que sont la maladie de Carré, la Parvovirose et l'Hépatite de Rubarth.
Les vaccins non-essentiels couramment administrés sont ceux dirigés contre la leptospirose et la toux de chenil.
2. Le WSAVA indique également que la vaccination du chiot contre les maladies universelles doit être effectuée à un âge compris entre 14 et 16 semaines. L’immunité maternelle transmise par la mère des chiots peut en effet altérer l’efficacité du vaccin si celui-ci est administré avant 14 semaines.
3. La grande majorité des vaccins essentiels administrés aux chiots entre 14 et 16 semaines assure une immunité contre le parvovirus, la maladie de Carré et l'adénovirus pendant de nombreuses années, et probablement pour toute la vie de l'animal.
4. Tous les chiens doivent recevoir un premier rappel pour les vaccins essentiels 12 mois après la primo-vaccination de manière à assurer l'immunité pour ceux dont l’organisme n’aurait pas répondu favorablement à la première injection.
5. Le WSAVA stipule que la fréquence d’administration des vaccins essentiels ne doit pas être inférieure à une base triennale. Beaucoup de praticiens interprètent ce point par une vaccination systématique tous les 3 ans, ce qui est une mauvaise interprétation. Si le chien est déjà protégé contre les trois maladies universelles, la revaccination n’apportera pas une immunité supplémentaire, et il n’est donc pas nécessaire de revacciner tous les 3 ans.
6. Le WSAVA encourage et recommande l'utilisation de tests de titrage des anticorps. Il s’agit de prélever un échantillon sanguin sur le chien qui permet de vérifier la présence d'anticorps. La présence d'anticorps contre les maladies universelles indique que le chien est protégé, et que l’administration de vaccins essentiels n'est pas nécessaire.
Il apparaît donc clairement que la vaccination annuelle est une pratique néfaste pour les chiens de protection. Pourquoi la rendre obligatoire ? Je pose la question. De la même façon dans cette charte l’obligation pour le naisseur d‘utiliser la chimie de façon systématique et régulière sur les chiots et les chiens (page 20) est une aberration pour le développement de l’immunité naturelle. Je rappelle que sélectionner des chiens dans une camisole chimique, c’est sélectionner des chiens qui ne savent plus vivre sans cette béquille permanente. A noter que ce document ne propose aucune alternative naturelle au contrôle du parasitisme chez le chien (27).
THOR du Hogan des Vents avec ses vaches, jamais lavé, jamais brossé, jamais déparasité et en pleine santé ! THOR est issu de HAGAKAN du Hogan des Vents & MIRABELLE du Hogan des Vents.
En résumé, ce document, totalement effarant sur le plan zootechnique, n’est constitué que d’un cortège de poncifs sur l’élevage et le développement du chiot. A vouloir laver plus blanc que blanc, la copie est clairement à revoir. En élevage, la première règle est qu’il n’y a pas de règles.
5 – Evaluer les chiens de protection
Les actuels tests de comportement proposés et financés par l’état sont très coûteux et ils présentent finalement très peu d’intérêt. Tester des chiens dans des conditions toujours imprévisibles n’a aucun sens. Il suffit que les chiens aient travaillé toute la nuit à repousser les loups ou que des chiennes soient en chaleur pour que leur comportement soit perturbé le lendemain. Ils vont alors réagir de façon excessive face aux testeurs et être pénalisés lors de l’évaluation. Résumer un chien à une seule évaluation ne tient pas compte du fait que les chiens acquièrent de l’expérience avec les années et évoluent dans leur comportement. Et réaliser plusieurs évaluations dans la carrière du chien n’est financièrement pas soutenable.
Qui plus est, évaluer de façon individuelle des chiens travaillant dans des meutes qui peuvent dépasser une dizaine d’individus est tout simplement impossible. Les chiens savent s’organiser entre eux et ces relations ne peuvent être ignorées.
Les tests actuels n’apportent donc aucune information utile pour la sélection de nos chiens de protection. Par contre, comme je l’ai expliqué dans mon dernier ouvrage, il serait plus pertinent de tester le potentiel de travail de chiots de trois mois avant qu’ils ne quittent leur lieu de naissance (28).
La sélection des chiens de protection repose sur trois piliers :
- Quantifier la valeur génétique de chaque individu
- Enregistrer les généalogies
- Afficher un programme de sélection
La sélection c’est choisir, sur des critères définis et quantifiables, les meilleurs individus dans une population déterminée, à un instant donné, afin qu’ils deviennent les parents de la génération suivante.
Il est vital pour la pérennité de la population de conserver dans le choix des reproducteurs une grande variabilité génétique. Cette variabilité est obtenue en maintenant de nombreuses lignées différentes. Elle est garante de la capacité d’adaptation des animaux à une évolution du milieu dans lequel ils vivent. Ce réservoir génétique peut ainsi faire face à l’apparition de nouveaux virus ou de nouvelles bactéries menaçant la santé de nos chiens.
Sélectionner est un processus qui doit conduire à produire des animaux dont l’aspect et le comportement sont prévisibles. Dans ce processus, génération après génération, se fixent dans les lignées les caractéristiques fonctionnelles qui vont rendre les chiens fiables et opérationnels pour un environnement particulier. C’est ce qu’ont fait les bergers pendant des siècles aboutissant à la création d’une trentaine de races de chiens de protection dans le monde. Ces bergers avaient une compréhension naturelle du monde vivant. Sans grandes études, sans tests génétiques et sans radios des hanches et des coudes, ils ont créé des chiens rustiques, fiables et efficaces pour la fonction qui leur était dévolue : la protection de leurs troupeaux. Ils nous ont ainsi légué un patrimoine inestimable qui retrouve aujourd’hui toute son utilité avec la recolonisation de nos territoires par les grands prédateurs.
Efficacité au travail, fertilité, prolificité, qualités maternelles, croissance des chiots, mortalité chez le chiot, mortalité chez l’adulte, longévité, sont autant de critères techniques indispensables à l’élaboration d’un programme d’élevage. Sans eux, il est totalement illusoire de parler de sélection génétique.
Un programme de sélection permet de donner une valeur génétique à chaque individu d’une population afin de les comparer les uns aux autres.
Les chiens de protection doivent être évalués dans leur milieu de travail au sein de leur troupeau. L’objectif est d’obtenir pour chaque chien une note de synthèse incluant les caractéristiques favorables pour le travail et l’indispensable capacité à se reproduire.
C’est à quatre ans qu’un chien de protection atteint sa maturité dans le travail et c’est à ce moment-là qu’il est le plus intéressant de calculer sa valeur génétique. Cette dernière peut être évaluée selon trois modalités : « bonne, moyenne ou insuffisante » qui permettent de décrire l’ensemble de la population selon une classique courbe de Gauss.
Le but ultime de cette démarche est de favoriser, pour produire une nouvelle génération, les accouplements entre chiens notés globalement « BON », d’autoriser les accouplements entre chiens notés « BON » et « MOYEN » et d’éviter dans la mesure du possible les accouplements entre chiens notés « MOYEN » et « MOYEN ».
Les accouplements « MOYEN » avec « INSUFFISANT » et « INSUFFISANT » avec « INSUFFISANT » devraient être totalement proscrits.
C’est ce qu’on appelle des accouplements raisonnés. Mais la génétique c’est surtout une histoire de probabilités et quelques fois d’accidents imprévus ! En génétique rien n’est jamais acquis. L’Art de l’éleveur est un facteur non négligeable dans la mise au monde de chiots de qualité pastorale. Et là c’est l’intuition de l’éleveur et les heureux hasards qui entrent en jeu en parallèle de la démarche scientifique. Les deux approches sont complémentaires et souhaitables.
Un chien de protection peut ainsi se définir selon sept critères qui aboutiront au calcul d’une note de synthèse représentant sa valeur génétique :
Les critères aptitudes physiques
Critère N°1 : L’aboiement
Critère N°2 : La fourrure
Critère N°3 : La dentition
Critère N°4 : Le gabarit
Les critères rusticité et reproduction
Critère N°5 : La fertilité et la prolificité des femelles
Critère N°6 : Les qualités maternelles et la viabilité des chiots
Le critère efficacité au travail
Critère N°7 : la note « troupeau »
ATTENTION cette note de synthèse doit rester un indicateur.
Elle doit être interprétée en fonction des objectifs du berger et de la connaissance approfondie qu’il aura de ses chiens. Elle ne doit surtout pas être utilisée de simple façon mathématique.
En effet une même note de synthèse peut être obtenue avec différentes combinaisons. Ce sera alors au berger de privilégier les critères pertinents pour sa sélection dans le choix des chiens destinés à la reproduction. La grille proposée doit demeurer un outil d’aide à la décision. Elle pourrait permettre des échanges constructifs entre propriétaires de chiens de protection afin de favoriser les bons mariages.
Le potentiel génétique est une chose, mettre en place les conditions nécessaires pour l’exprimer en est une autre.
Cela signifie que le meilleur des chiots peut être gâché par des pratiques inappropriées de son nouveau berger. Les premières semaines de vie des chiots et la façon dont ils sont éduqués par leur naisseur sont tout aussi déterminantes dans l’expression ultérieure de leur potentiel génétique.
En raison de toutes les incompréhensions qui peuvent exister entre les humains et leurs chiens, il est probable que de nombreux chiens de protection ont été éliminés précocement alors qu’ils seraient sans doute devenus d’excellents protecteurs.
6 – La question financière du chien de protection
Depuis ses débuts le chien de protection est considéré comme un sous-produit sans valeur de l’élevage ovin. Pour certains, un chien se donne et ne s’achète pas. Hors le travail de sélection est indéniablement long et coûteux. Il y a clairement là un antagonisme qui ne joue pas en faveur de l’efficacité des chiens de protection souvent proposés à des prix dérisoires pour une qualité aléatoire.
En janvier 2021, l’IDELE a estimé le coût de production de chiots de deux mois entre 460 et 600 € selon la taille de la portée (6 à 8 chiots). Sur les mêmes bases, le coût total pour un chiot de huit mois varie de 1310 à 1550 € (22).
Depuis 2021 les coûts d’alimentation pour les chiens ont fortement augmenté donc ces valeurs devraient être largement majorées.
Paradoxalement le financement de l’état français pour l’acquisition de chiens de protection et leur entretien dans le plan loup (24) est largement inférieur à ces coûts puisque, je cite :
« Les plafonds de dépense applicables pour les chiens de protection sont les suivants :
- Achat : forfait de dépense de 375 €/chien plafonné à 750 €/an, avec une prise en charge s’élevant à 80 % de la dépense éligible dans la limite du plafond de dépense annuel,
- Entretien : forfait de dépenses de 815 €/chien/an, avec une prise en charge s’élevant à 80 % de la dépense éligible [soit 652 €/chien/an] dans la limite du plafond de dépense annuel,
- Stérilisation : forfait de dépense de 250 €/chien au maximum, avec une prise en charge s’élevant à 80 % de la dépense éligible dans la limite du plafond de dépense annuel,
- Test de comportement : 500 €/chien au maximum sur la période de programmation PAC démarrant en 2023, avec une prise en charge s’élevant à 100 % de la dépense éligible. »
7 – Faut-il faire de la recherche sur les chiens de protection ?
La réponse est sans conteste oui car les chiens de protection sont un pivot essentiel pour la biodiversité lorsque faune domestique et faune sauvage cohabitent sur un même territoire.
Les chiens de protection ont été sélectionnés par les bergers pendant des centaines d’années pour protéger les troupeaux. Il n’est pas nécessaire de démontrer qu’ils sont efficaces. Ils le sont indéniablement, car porteurs d’un patrimoine génétique qui a fait ses preuves depuis longtemps. Par contre, des questions se posent sur la meilleure façon de les utiliser dans notre monde moderne. Les contraintes de plus en fortes imposées par l’agro-tourisme compliquent énormément la vie des éleveurs et des bergers. Et les attentes envers les chiens de protection apparaissent souvent démesurées quand elles proviennent d’un public totalement ignorant de la réalité du monde agricole.
Compte tenu de la complexité de son comportement, le chien de protection ne peut se résumer à un simple objet d’étude. Ce n’est pas un hasard s’il n’existe pas de concours de chiens de protection à l’image des concours pour chiens de conduite où sont évaluées leurs performances au travail sur un temps court avec des brebis inconnues. De telles épreuves n’auraient aucun sens pour un chien de protection.
Encore une fois, le parallèle peut être réalisé avec le loup. Toutes les connaissances acquises à partir de l’étude de loups captifs ont été totalement remises en cause par les chercheurs qui ont étudié les loups dans leur milieu naturel (25) (26).
En conséquence de quoi les chiens de protection doivent être étudiés comme les loups, c’est-à-dire en conditions naturelles dans leur troupeau et par l’observation détaillée des individus qui auront été auparavant caractérisés par des données précises telles que l’âge, le sexe, la race, l’origine génétique et le mode d’élevage.
La FAKE science ou l’illusion technologique. Quand la technologie est utilisée à tort et à travers, la science est en perte de sens
Il existe des études qui comparent les aptitudes de différentes races de chiens de protection. Ces schémas expérimentaux sont tout à fait inadaptés au comportement naturel des chiens de protection.
Les chercheurs qui utilisent ces outils dits «scientifiques» ne tiennent aucun compte de la personnalité des chiens, de leur origine familiale, des caractéristiques de leur lignée, de leur sexe, de leur âge, du fait qu’ils soient ou pas castrés, ou de leur expérience de la prédation. Ils ne respectent pas le principe de science élémentaire du « toutes choses étant égales par ailleurs » pour étudier l’influence d’un facteur particulier, comme la race ou le sexe.
Ils ne tiennent surtout aucun compte de l’éducation reçue pendant les premières semaines de vie, alors qu’elle est déterminante dans le comportement au travail du chien adulte. Les résultats obtenus dans ces études sont tellement réducteurs dans leurs conclusions, voire aberrants, qu’ils n’ont aucune utilité pour les utilisateurs de chiens de protection.
De fait, il n’y a pas une race qui soit meilleure qu’une autre. Il y a simplement des chiens de protection adaptés par sélection naturelle à un environnement particulier.
Certaines études comparent ce qui n’est pas comparable mais l’utilisation de technologies modernes impressionne, malheureusement.
Il en va ainsi de toutes ces vidéos, avec force caméras thermiques, mettant en scène des chiens de protection face aux loups pour des interprétations plus qu’approximatives. C’est la nouvelle mode ... Cette débauche technologique apporte rarement des informations pertinentes et utiles. La sélection des chiens de protection ne peut reposer que sur un programme de sélection fonctionnant avec une véritable rigueur scientifique.
Enfin toutes les actions entreprises en matière de protection des troupeaux, qu’il s’agisse de recherche ou de développement, devraient faire l’objet d’une évaluation régulière. Evaluation réalisées par des experts indépendants, à minima tous les cinq ans, sur des données factuelles. Quand c’est le contribuable qui finance, il est logique que toutes les actions entreprises soient évaluées pour leur pertinence et leur efficacité.
8 –En conclusion : vous avez dit « chien de protection » ? Quésaco ?
Comme je l’ai démontré dans cet article, ce ne sont pas les chiens de protection qui sont en échec en France, c’est la façon dont ils sont utilisés et sélectionnés – ou plutôt pas sélectionnés – faute d’un référentiel scientifique sérieux.
L’avenir de nos chiens de protection et leur bonne utilisation passe par cinq points essentiels :
- La prise en charge par l’état de tous les coûts liés à l’achat et à l’utilisation des chiens de protection. Les bergers et les éleveurs ne peuvent pas supporter tous les coûts liés à l’acquisition et à l’entretien des chiens de protection car cela pèse très lourdement sur leurs finances qui sont loin d’être florissantes. C’est un point absolument essentiel pour améliorer la protection des troupeaux en France. Sur les plans économique et humain, il est largement préférable d’investir dans des chiens de qualité plutôt que d’indemniser des animaux tués par les grands prédateurs. Encore faudrait-il que les naisseurs de chiots destinés à la protection soient correctement rémunérés. C’est loin d’être le cas et il n’y a donc aucune incitation à produire des chiots issus d’une sélection raisonnée. Aujourd’hui le nombre de chiens requis pour protéger un troupeau est largement sous estimé par l’administration. Il est donc nécessaire que les aides accordées permettent de financer un nombre suffisant de chiens pour assurer une protection correcte des troupeaux ;
- Un programme de sélection national élaboré par des Zootechniciens prenant en compte les spécificités de chaque race de chien de protection. Une base de données sur les caractéristiques des individus chiens et les disponibilités en chiots devrait être accessibles à tous les utilisateurs professionnels afin de respecter le libre choix des éleveurs ;
- Un guide pour les naisseurs de chiots de protection qui tiennent compte de la réalité du terrain et des difficultés qui lui sont associées sans contraintes administratives absurdes. En élevage, je le rappelle, la première règle est qu’il n’y pas de règles. Il est aussi indispensable que les éleveurs-naisseurs trouvent une juste rémunération de leur travail afin d’encourager la production de chiots aux qualités de travail éprouvées. Former et mettre à disposition des chiens adultes seraient économiquement prohibitif sans compter un coût émotionnel pour le naisseur. Par ailleurs mon expérience personnelle m’a appris que déplacer des chiens adultes dans un nouvel environnement se solde souvent par un échec. Il est largement préférable d’introduire dans les troupeaux des chiots de bonne qualité génétique pour maximiser les chances de réussite du premier placement ;
- Une formation de formateurs proposée par des experts, associant compétences académiques et expérience, afin que le potentiel des chiens de protection soit pleinement utilisé dans les troupeaux. Avoir déjà élevé et utilisé pendant 10 ans au moins des chiens de protection devrait être un pré-requis pour tout formateur sur le sujet ;
- L’information vers le grand public et la formation des étudiants dans les écoles d’agriculture afin de faire connaître et respecter le monde de l’élevage et du pastoralisme. La présence de meutes de chiens de protection dans les zones les plus impactées par la prédation pose un réel problème de cohabitation avec les autres utilisateurs de l’espace rural. Information et formation sont primordiales pour expliquer le rôle des chiens de protection et limiter les nuisances envers les troupeaux et les conflits entre bergers, éleveurs et consommateurs de Nature. Quand ces derniers considèrent encore qu’un chien qui aboie est un chien agressif, cela démontre que le chemin sera long avant d’arriver à une situation apaisée entre le grand public et nos troupeaux.
Le chien de protection « idéal » c’est à ses débuts :
- Un chiot né et élevé dans une meute de chiens, composée au minimum de son père et de sa mère;
- Un chiot manipulé régulièrement par son naisseur;
- Un environnement stimulant et des contacts avec des animaux de différentes espèces ;
- Les chiots doivent pouvoir bénéficier de l’encadrement et de la formation donnés par les adultes de la meute. Pour des raisons de coût de production et d’efficacité, un placement à trois mois est un optimum.
- Tout placement de chiot dans un troupeau devrait être précédé d’une enquête auprès de l’éleveur afin de vérifier que les conditions de succès sont bien remplies. Rien ne sert de placer des chiens dans une situation où ils seront inévitablement mis en échec.
La première introduction de chiots dans un troupeau demande au berger ou à l’éleveur un investissement en temps incontournable car ce sera lui le professeur des chiots et leur parent de substitution pendant deux ans au moins. Il assurera leur formation et leur protection à l’égal de ce que feraient des chiens adultes.
Sans disponibilité pour éduquer des chiots il vaut mieux ne pas en prendre. Quitte à avoir les inévitables inconvénients des chiens de protection, il vaut mieux aussi pouvoir profiter de leurs avantages. Un chien mal éduqué c’est beaucoup de problèmes pour guère voire pas du tout d’avantages.
La meute de chiens des Pyrénées du Hogan des Vents au travail dans les Alpes. La constitution d’une meute demande de nombreuses années et nécessite l’apport régulier de sang extérieur afin de limiter les effets néfastes de la consanguinité.
Vers un chien de protection idéal
Je ne peux que constater qu’une génétique connue et maîtrisée fait aujourd’hui cruellement défaut dans la population française des chiens de protection.
En termes d’efficacité de protection le résultat tient à la combinaison de 7 facteurs :
- Le patrimoine génétique du chien
- La méthode d’élevage du naisseur
- Les méthodes de mise en place et d’éducation
- Le travail des chiens en meutes familiales
- L’implication du berger ou de l’éleveur
- Le suivi du placement par un expert du sujet
- La qualité des clôtures qui doivent absolument contenir les chiens.
- Un tiers de chiens très expérimentés (chiens de plus de cinq ans)
- Un tiers de chiens expérimentés (chiens de deux à cinq ans)
- Un tiers de jeunes chiens en apprentissage (chiens de trois mois à deux ans)
Mes chiens sont mes compagnons de travail et de vie. J’ai depuis toujours une vision humaniste de l’élevage à l’opposé de la vision mécaniste de l’élevage industriel qui fait des animaux de la matière première et des outils au service de l’humain.
(1) Je suis titulaire d’un diplôme d’ingénieur en Agriculture (1983) de l’Ecole Supérieure d’Agriculture de Purpan Toulouse, d’un DEA (1984) et d’un Doctorat de Zootechnie de l’Université des Sciences et Techniques du Languedoc à Montpellier (1988). Zootechnicien Enseignant-chercheur à l’Ecole Supérieure d’Agriculture d’Angers, j’ai dirigé et participé à plusieurs programmes de recherche en France, au Canada et aux USA. Je revendique aujourd’hui le statut de chercheur indépendant et de libre-penseur. Depuis 24 ans je suis Paysan, éleveur et utilisateur de chiens de protection. Venant du Gard puis des Bouches du Rhône, mon troupeau et mes chiens ont passé 13 ans dans les Alpes de Haute Provence en zone de présence permanente du loup (ZPP). Depuis 7 ans nous vivons en Haute-Garonne dans les coteaux des Pyrénées.
Mes chiens travaillent sur tout le territoire français et aussi à l’étranger, en Suisse, Belgique, Espagne, Allemagne, Italie, Hollande, Finlande, Norvège, République tchèque, Estonie, Russie et États-Unis.
BIBLIOGRAPHIE
(2) BOISSEAUX Thierry, STEFANINI-MEYRIGNAC Odile, DEMOLIS Christian, VALLANCE Michel, 2019. Le loup et les activités d'élevage : comparaison européenne dans le cadre du plan national d’actions 2018/2023 : résumé du rapport CGEDD n° 012414-01, CGAAER n° 18097
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https://idele.fr/detail-article/guide-de-lutilisateur-du-chien-de-protection-des-troupeaux
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(5) MAURIES Mathieu, 2023. Le débutant et le chien de protection in « Le Montagne des Pyrénées – Chien de protection de troupeaux » Avenir édition. 140-151.
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(8) MEURET Michel & REGNIER Elodie (INRAE) 2020-2021. Loup et élevage : bilan de 27 ans de coexistence
.https://www.inrae.fr/actualites/loup-elevage-bilan-27-ans-coexistence
(9) DEHASSE Joël, 2017. La stérilisation du chien. Pour et contre. Effets physiologiques et comportementaux. I M éditions.
(10) MAURIES Mathieu, 2023. Première intégration de chiens de protection dans un troupeau : protocole de mise en place de deux chiots de protection in « Le Montagne des Pyrénées – Chien de protection de troupeaux » Avenir édition. 154-167.
(11) MAURIES Mathieu, 2023. Programme de sélection du Montagne des Pyrénées A l’Elevage du Hogan des Vents in « Le Montagne des Pyrénées – Chien de protection de troupeaux » Avenir édition. 307-315.
(12) MAURIES Mathieu, 2023. Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez le chien de race en France ? Du travail à la compagnie, histoire d’une dangereuse dérive qui ne dit pas son nom. Illustration avec les chiens pyrénéens et quelques autres in « Le Montagne des Pyrénées – Chien de protection de troupeaux » Avenir édition. 363-378.
(13) MAURIES Mathieu, 2015. Elevage canin : sélection, Vous avez dit Sélection ? Publication site Internet Hogan des Vents.
http://hogandesvents.nutritionverte.com/elevage-canin-selection-vous-avez-dit-selection.html
(14) MAURIES Mathieu, 2014. Elever et sélectionner des chiens pour la protection des troupeaux in « Vivre avec le loup ? Trois mille ans de conflit » Editions Tallandier. 513-527.
(15) MAURIES Mathieu, 2011. Evaluation du potentiel de travail de chiots Montagne des Pyrénées destinés à la protection des troupeaux. Chiens des Pyrénées, N°92, 36-41.
(16) MAURIES Mathieu, 2010. Montagne des Pyrénées LOF : plaidoyer d’un berger des Alpes. Cynophilie Française, 1er trimestre N°148, 60-62.
(17) MAURIES Mathieu, 2009. La création d’une filière de production de chiens de protection Montagne des Pyrénées LOF : un enjeu pour le pastoralisme. Chiens des Pyrénées, N°89, 9-12.
(18) MAURIES Mathieu, 2009. Le Montagne des Pyrénées : un défi à la Science ? Chiens des Pyrénées, N°86, 13-14.
(19) FCI RULES FOR NATURAL APTITUDE TEST FOR LIVESTOCK GUARDIAN DOGS “FCI NGAT” (for livestock guardian and herding dog breeds) 1er juin 202
https://drive.google.com/file/d/1u6UUhqP4DryfuVhMXf6xOlR-vuDIGCgI/view
(20) MAURIES Mathieu, 2023. Le Montagne des Pyrénées – Chien de protection de troupeaux. Avenir édition.
(21) CHARTE NATIONALE DE BONNES PRATIQUES D’ÉLEVAGE DES CHIOTS DESTINÉS A LA PROTECTION DES TROUPEAUX
(22) MAURIES Mathieu, 2023. Les vaccins in « Le Montagne des Pyrénées – Chien de protection de troupeaux » Avenir édition. 483-496.
(23) GUIDELINES FOR THE VACCINATION OF DOGS AND CATS COMPILED BY THE VACCINATION GUIDELINES GROUP (VGG) OF THE WORLD SMALL ANIMAL VETERINARY ASSOCIATION (WSAVA)
https://wsava.org/wp-content/uploads/2020/01/WSAVA-Vaccination-Guidelines-2015.pdf
(24) Éleveurs soumis à la prédation du loup et de l’ours : une aide pour protéger vos exploitations et vos troupeaux (janvier 2024)
https://agriculture.gouv.fr/aides-contre-la-predation
(25) HABER Gordon & HOLLEMAN Marybeth, 2013. Among wolves : Gordon Haber’s insights into Alaska’s most misunderstood animal. Editions University of Alaska Press.
(26) SAFINA Carl, 2015. Beyond Words. What Animals Think and Feel. Henry Holt and Company, LLC.
(27) MAURIES Mathieu, 2024. Mes chiens ont des puces. Publication site Internet Hogan des Vents
http://hogandesvents.nutritionverte.com/mes-chiens-ont-des-puces.html
(28) MAURIES Mathieu, 2023. Tester les chiens de protection « chiots » in « Le Montagne des Pyrénées – Chien de protection de troupeaux » Avenir édition. 300-306.