Première intégration de chiens de protection
dans un troupeau
Protocole de mise en place de deux chiots de protection
GUIDE 2024 du débutant - Méthode Hogan des Vents


Le chien de protection

C’est Un Savoir Faire & Un Savoir Etre

Un très long Apprentissage

Tant pour l’humain que pour le chien



LE CHIEN DE PROTECTION EN FRANCE : UN MAUVAIS DEPART QUI DURE DEPUIS PLUS DE 30 ANS

Le retour des chiens de protection en France a démarré sur de très mauvaises bases toujours à l’origine de nombreux problèmes dans le milieu rural.

Après l’arrivée du loup dans les Alpes, il y a 30 ans (1992), les pouvoirs publics ont encouragé et financé partiellement l’acquisition de chiens de protection par les bergers.

La méthode de mise en place des chiots a été ramenée des Etats-Unis faisant suite aux travaux des Coppinger. Cette méthode simpliste s’est alors imposée comme une vérité universelle colportée de publication en publication jusqu’à nos jours. En France tout savoir-faire concernant les chiens de protection était perdu depuis plus d’une centaine d’années. La méthode Coppinger a donc été adoptée d’emblée. Elle consiste à faire naître des chiots en bergerie, pratiquement sans contact avec l’homme. Le chiot est ensuite isolé très jeune de ses semblables, vers deux mois, sous prétexte de créer un attachement au troupeau, la fameuse « fixation » de la méthode conventionnelle. La plupart du temps ce chiot sera placé dans un lot d’agnelles de son nouveau troupeau. Là encore sans contact avec son nouveau berger pendant les premières semaines suivant son arrivée et sans contact avec les autres chiens de la ferme pendant plusieurs mois.

Pour moi, cela n’est ni plus ni moins que de la maltraitance. Je suis d’ailleurs loin d’être le seul éleveur/berger choqué par le procédé. Les éleveurs vivent naturellement au contact de leurs animaux et ils les aiment avec passion (sinon je peux vous garantir qu’ils ne feraient pas ce métier). Leur expliquer qu’ils ne doivent pas toucher un chiot, sous prétexte de le rater, en laisse plus d’un sceptique. A mes débuts, et malgré le peu de connaissances que j’avais à l’époque, j’ai rapidement remis en cause cette façon de faire tellement elle me semblait peu naturelle.

Dans cette méthode les besoins fondamentaux des chiots sont totalement ignorés. Ce sont des besoins de jeu, de sécurité, de soutien, d’affection et de formation par les chiens adultes. Les chiots formés selon cette méthode se construisent sur la peur et non pas sur la confiance. Cette méthode produit des chiens difficiles à gérer y compris par leurs propres bergers.

Les chiots apprennent en imitant les chiens adultes d’où l’intérêt d’avoir des adultes compétents et bien éduqués pour les former. Lorsque les chiots sont élevés dans l’isolement avec uniquement des brebis, il est fréquent de les observer en train de manger du foin. Et tout le monde de trouver cela trop mignon, le chiot qui se prend pour un mouton. En fait il s’agit d’une vraie déviation comportementale. Les pauvres petits n’ont pas d’autres professeurs alors ils imitent les brebis. Mes chiots élevés dans la meute n’ont jamais mangé de foin au râtelier, et pour cause, ce ne sont pas des herbivores.


Pour une meilleure compréhension des chiens de protection

Un jeune chien de protection est considéré en apprentissage pendant ses deux premières années au troupeau. Jusqu’à ses deux ans je parle de « chiot » et pas de chien.

Ainsi la durée de formation minimum d’un chiot est de 2 ans en bonnes conditions, c’est-à-dire sous la supervision de chiens adultes expérimentés dont le rôle est de les éduquer et de les protéger.

Sans adultes expérimentés pour les guider et les protéger, ce temps de formation est inévitablement plus long, et plus proche de 3 ans, car les chiots doivent apprendre sur le tas et faire leurs propres expériences. Et ils n’atteindront probablement jamais le niveau de compétence de chiots éduqués par des chiens adultes car ils ne bénéficieront pas de la transmission de la culture et du savoir de la meute. Ils devront créer une nouvelle culture de meute à partir leurs propres expériences. C’est la raison pour laquelle je conseille d’introduire un nouveau chiot dans la meute dès lors qu’un de ses membres a atteint l’âge de 5 ans. Le chiot pourra ainsi recevoir l’enseignement des anciens tout en faisant ses propres expériences.



Il est important de rappeler que l’attachement au troupeau est un trait génétique et qu’il n’y a pas besoin de le créer, si on a bien sûr la bonne génétique ce qui est un pré requis pour un chien de protection. Cette particularité qui définit les chiens de protection est sélectionnée depuis des siècles par les bergers partout dans le monde, en même temps que la non agressivité envers l’humain.

Depuis toujours je défends une vision humaniste de l’élevage, par opposition à une vision mécaniste qui fait des animaux de simples outils à disposition des humains. Mes chiens sont mes compagnons de vie, je les respecte et en retour ils me respectent. Je suis le leader de ma meute de chiens de protection. Je la contrôle uniquement à la voix. La proximité que j’ai avec mes chiens depuis leur naissance n’entrave en rien leur capacité à protéger mon troupeau. Cela fait de nombreuses années que je n’ai pas de prédation bien que mon troupeau ait vécu 13 ans en zone de présence permanente du loup dans les Alpes de Haute Provence.


Pour une meilleure compréhension des chiens de protection

L'attachement au troupeau ne se travaille pas. C'est un trait génétique, pas un fonctionnement décrété par l’humain. Quand il n'y a qu'un seul chien en protection il est tiraillé entre le fait de rester dans le troupeau et le fait de patrouiller autour du troupeau pour prévenir le danger et marquer le territoire pour que les autres canidés sachent que le dit territoire est déjà occupé. Deux chiens ou plus savent parfaitement se répartir ces rôles. Un seul chien est dans une position insoutenable ce qui est pour moi de la maltraitance. Le chien de protection est indéniablement un animal de meute. Il n’a jamais été sélectionné pour travailler tout seul.



Il y a plus de 30 ans que j’ai entamé mes premières recherches sur les chiens de protection. Depuis j’ai établi des liens un peu partout dans le monde avec d’autres utilisateurs passionnés qui ont enrichi mon approche de leurs savoirs et de leurs expériences. Mon travail quotidien avec ma meute a abouti à la publication de mon premier livre sur le Montagne des Pyrénées en 2016.  La première édition de mon ouvrage sur le Montagne des Pyrénées est parue en 2016. Pendant les 7 années suivantes j’ai poursuivi mes recherches, mes lectures, mes expériences et j’ai rédigé des études de cas, et fait des synthèses des rencontres et témoignages concernant les chiens nés sur ma ferme. Ces 7 années ont continué à enrichir ma compréhension des chiens de protection que je fréquente au quotidien depuis 23 ans maintenant.

La deuxième édition de cet ouvrage destiné aux bergers et aux a été considérablement augmentée avec 516 pages et 480 photos. Il s’agit véritablement d’un NOUVEL OUVRAGE, le plus important jamais produit en Français sur les chiens de protection et le Montagne des Pyrénées.

Il rassemble des expériences, des témoignages et des recherches sur ces chiens communément appelés « patous ». Il présente un mode de vie et un mode d’emploi des chiens de protection. Du chiot nouveau né au vieux chien vous découvrirez comment prendre bien soin de vos compagnons.

À travers ma pratique d’éleveur-sélectionneur et d’utilisateur de Montagne des Pyrénées au travail, je rends hommage à ces chiens qui protègent les troupeaux et leurs bergers depuis la nuit des temps. Cet ouvrage vous apporte des informations pratiques concernant l’élevage, la sélection et l’utilisation de ces extraordinaires chiens de protection.

Avec l’expérience des plus de 300 jeunes que j’ai placés au travail dans des troupeaux, j’ai affiné année après année ma réflexion sur la mise en place des chiots pour en arriver au protocole suivant. Bien évidemment ma réflexion se poursuit en fonction de mes expériences et de mes rencontres et ce protocole est en constante évolution.

Devant l’inquiétude des débutants, que j’observe régulièrement, et leur réelle volonté de bien faire avec leurs chiots, j’ai décidé de vous proposer un protocole très détaillé pour vous guider pas à pas. Ce protocole s’applique spécifiquement lors d’une première introduction de chiens de protection dans un troupeau chez des personnes qui n’ont aucune expérience des chiens de protection et dont le troupeau ne connaît pas non plus les chiens de protection.

Il est très important que les débutants en chiens de protection puissent communiquer avec une personne ressource aussi souvent que nécessaire. Il ne faut jamais attendre … avec l’espoir que les choses s’améliorent. Il faut intervenir rapidement dès qu’une question se pose que ce soit en termes de comportement ou en termes de santé.


LE CHIEN DE PROTECTION : UN BOULEVERSEMENT PROFOND DES SYSTEMES D’ELEVAGE

Introduire des chiens de protection pour la première fois dans un troupeau parce que des prédateurs comme le loup arrivent sur un nouveau territoire, ce n’est pas simplement ajouter des chiens dans un troupeau. C’est déjà avoir quatre ans de retard dans la mise en place des chiens. Quatre ans, c’est le temps minimum nécessaire à la formation des chiens et à leur découverte et maîtrise du territoire ou des territoires dans lesquels évolue leur troupeau.

Le processus est nettement plus compliqué qu’il n’y paraît de premier abord. L’utilisation de chiens de protection modifie en profondeur l’organisation du travail, de l’élevage et de la ferme. L’arrivée des chiens de protection est un véritable bouleversement dont les conséquences sont très lourdes pour les éleveurs et les bergers. Conséquences d’autant plus importantes que les éleveurs n’y sont pas du tout préparés.

Ces conséquences sont largement sous estimées par la plupart des participants au débat sur le retour des grands prédateurs en France. La présence de chiens de protection entraîne une réelle surcharge de travail. Les chiens sont au quotidien une source inépuisable de tracas pour leurs propriétaires. Il y a un temps d’apprentissage et de découverte, à la fois pour les chiens et pour les hommes, et il est long. Malgré tout les chiens de protection restent le meilleur moyen de protéger nos troupeaux et même les prédateurs. Dans une situation où le rapport de force est équilibré entre meute de chiens et meute de loups, les confrontations directes sont rares. Les bergers ont besoin de chiens en bonne santé, équilibrés et efficaces au travail. Ces caractéristiques ne peuvent découler que d’une réelle sélection génétique qui fait aujourd’hui cruellement défaut en France. Les chiens quant à eux ont besoin de bergers qui les comprennent ce qui demande un lâcher prise inhabituel et difficile à acquérir d’autant plus que mythes et légendes erronés continuent de courir la campagne depuis 30 ans. C’est au naisseur d’assurer le suivi des chiots qu’il place.

Pour ma part je garantis le suivi à vie des chiots nés dans mon troupeau et je suis toujours disponible 7 jours sur 7 pour répondre aux inévitables questions des débutants en la matière.

Je développe des formations à l’élevage, à la mise en place, à l’utilisation et à la réhabilitation des chiens de protection.

Depuis 2021, en collaboration avec la plateforme de formation AGRILEARN j’ai mis en place un cours sur les chiens de protection spécifiquement destiné aux débutants en la matière.

Lien pour accéder au cours ICI.

Respect, connivence, et collaboration sont les clés d’une coopération réussie entre chiens et humains. Les chiens de protection ne sont pas des outils, ils sont les compagnons des bergers. Il faut du temps pour qu’éleveurs et bergers se familiarisent avec le travail des chiens de protection et du temps pour que les chiens acquièrent de l’expérience. Avec le temps l’efficacité de l’entité « berger – troupeau – chiens de protection – chiens de conduite » s’améliore. D’après mon expérience personnelle cela demande une bonne dizaine d’années pour atteindre un équilibre, sélectionner les bons sujets, comprendre leur rôle, et apprécier à leur juste valeur ces incroyables chiens dits à juste titre de protection.


PROTOCOLE D’INTRODUCTION DE DEUX CHIOTS DE PROTECTION DANS UN TROUPEAU

Mon expérience personnelle m’a conduit depuis quelques années à ne plus placer de chiot unique sauf s’il y a déjà présent dans le troupeau un chien adulte capable de le protéger et de l’éduquer. Dorénavant je ne place plus que des paires de chiots.


Pourquoi deux chiots ?

Lorsque deux chiots partent ensemble ils affrontent leur nouvelle réalité avec beaucoup plus de sérénité. Ils peuvent se donner de l’affection, du support et du courage. Ils passeront beaucoup de temps à jouer ensemble ce qui les occupera et évitera qu’ils se concentrent à faire des bêtises pour passer le temps.

Chaque fois qu’un chien de moins de deux ans fait une bêtise c’est vous qui êtes le premier responsable de l’avoir mis en situation de faire la bêtise. Oui je sais c’est un peu dur à avaler quand on est débordé de travail par ailleurs (même pour moi) mais c’est la vraie réalité. Au final deux chiots c’est aussi deux fois plus de protection en un seul investissement temps.

J’encourage les éleveurs et les bergers à créer leur propre meute à partir de deux chiots de qualité. Sur ce sujet précis je vous renvoie à mon article de 2015 « Comment créer une meute de chiens de protection ». Citons également cet autre article de 2012 qui précise la façon dont j’élève mes chiots bien que cette façon de faire ait aussi évolué depuis « Expérience d’élevage de chiots Montagne des Pyrénées destinés à la protection des troupeaux ou à la compagnie ».


Pour une meilleure compréhension des chiens de protection

Créer une meute de chiens de protection à partir de 2 chiots est un processus long. Les chiots doivent déjà se former tous seuls sur le tas, développer une culture de meute et acquérir des savoirs particuliers à leur environnement spécifique. Arrivés à l’âge de 6-7 ans les chiens seront en capacité de former et de transmettre la culture et le savoir de la meute à des chiots dont les compétences au travail de protection seront alors optimales. Il est de ce fait important de maintenir dans la meute une pyramide des âges équilibrée afin que les anciens puissent enseigner aux plus jeunes dans le respect et la sécurité.



Je n’insisterai jamais assez sur le fait que les premières semaines de vie des chiots sont déterminantes pour leur bon développement et leur avenir de chiens de travail. La recherche scientifique a démontré que plus les stimulations sont importantes dans le jeune âge, plus le cerveau est développé. Et c’est effectivement ce qui est recherché chez le chien de protection qui doit être posé, réfléchi et capable d’initiatives pertinentes. Les chiens de protection doivent agir en connaissance de cause et non pas réagir de façon instinctive.

Concernant le choix des chiots, il n’y a aucun problème à ce qu’ils proviennent de la même portée. Cela est même un atout car les chiens se connaissent depuis leur naissance. Selon le niveau de prédation moyen ou fort, le choix s’orientera plutôt vers une paire frère/sœur ou un couple non consanguin mâle/femelle ou vers deux mâles.

Le recours à une paire de femelles atteint rapidement ses limites lorsque les chiennes ont leurs premières chaleurs. Elles sont alors moins concentrées sur le travail et peuvent même quitter le troupeau à la recherche d’un mâle. Pire, elles peuvent aussi attirer des mâles, qu’ils soient chiens ou loups. Dans ce cas de figure et à l’échéance d’une année lorsque les chiennes sont bien intégrées à la ferme il sera nécessaire d’introduire un mâle. Un mâle augmentera non seulement la puissance de protection mais il protègera aussi ses femelles de tout rival en les excluant du territoire. Un mâle a deux fois plus de bonnes raisons de repousser les prédateurs car il défend son troupeau et il défend aussi ses femelles et les chiots de la meute. La présence d’un mâle entier est par ailleurs un élément structurant dans le développement des chiots. J’ai abordé dans mon livre les sujets de la castration des chiens et du contrôle des naissances que je ne développerai pas ici.

Enfin deux chiots c’est pour qu’ils travaillent ensemble en équipe et tout le temps et non pas pour envisager de les séparer plus tard pour protéger deux lots différents ce qui serait une source de stress extrême pour eux avec une efficacité très discutable.

LE CHIOT SEUL AU TROUPEAU

Lorsqu’un chiot vit dans sa meute depuis sa naissance. Sa famille - son père, sa mère, sa fratrie, un frère et une sœur d'une portée précédente - l'entoure et l'éduque, tout comme les autres chiens de la meute. Ce chiot apprend dans un espace sécurisé où il peut s'épanouir, il passe ses journées à jouer avec les autres chiens ce qui constitue un véritable apprentissage.

Ce chiot deviendra un redoutable protecteur parce qu'il se sera construit sur la confiance et la compétence transmise par les chiens adultes.

Un chiot laissé à lui-même dans un troupeau n'apprend rien, il ne reçoit aucune stimulation, il lui est interdit de jouer, il vit dans l'ennui et la crainte car aucun adulte n'est là pour le protéger (les jeunes loups quittent leur meute vers deux ans) et encore moins pour l'éduquer. Un chiot laissé seul dans un troupeau se construit sur la peur. C'est de la maltraitance et je ne cesserai jamais de le répéter. Pourtant il va protéger plus tard ... mais à quel prix ?

Un chien éduqué seul dans son coin aura forcément un répertoire comportemental plus limité et une réactivité plus grande. Il gèrera avec beaucoup plus de difficultés des situations complexes, notamment les interactions avec des humains inconnus.

Un chien peut passer sa vie attaché au bout d'une chaîne de 1,50 m et il vous fera même la fête lorsque vous lui apporterez à manger. Mais est-ce que cette vie est vraiment enviable ?

Connaître l'essence des chiens de protection est indispensable pour bien les utiliser dans leur fonction ancestrale. Les considérer comme des outils corvéables à merci explique en très grande partie l'échec qui leur est imputé - à tort - depuis le retour du loup en France. Ce ne sont pas les chiens qui sont en cause mais la façon dont ils sont éduqués (ou pas éduqués justement) et utilisés.

Les chiens de protection travaillent depuis toujours en meute et une meute c'est au minimum 2 individus.



Le chien de protection "idéal", c'est à ses débuts 

  • Un chiot né et élevé dans une meute de chiens, composée au minimum de son père et de sa mère;
  • Un chiot manipulé régulièrement par son naisseur;
  • Un environnement stimulant et des contacts avec des animaux de différentes espèces ;
  • Les chiots doivent pouvoir bénéficier de l’encadrement et de la formation donnés par les adultes de la meute. Pour des raisons de coût de production et d’efficacité, un placement à 3 mois est un optimum. Les chiots, de par leur taille, font aussi moins peur aux brebis que des chiens adultes et ils savent naturellement se faire accepter. Cela se solde parfois par quelques coups de tête ou de cornes. Il faudra donc rester vigilant afin d’éviter qu’ils ne soient blessés.
  • Tout placement de chiot dans un troupeau devrait être précédé d’une enquête auprès de l’éleveur afin de vérifier que les conditions de succès sont bien remplies. Rien ne sert de placer des chiens dans une situation où ils seront inévitablement mis en échec. Je n’élève pas mes chiots avec passion et Amour pour les envoyer au casse-pipe.
Un jeune chien de protection doit être considéré comme un chiot en apprentissage pendant ses deux premières années en présence de chiens adultes capables de le protéger et de l’éduquer. Sans chien adulte présent, ce qui est le cas pour une première introduction, ce temps d’apprentissage est plutôt de trois ans avant que les chiens ne soient totalement opérationnels. Démarrer avec des chiens adultes est peu réaliste car ils sont très rares à se retrouver sur le marché. D’après les expériences que j’ai pu suivre cela se solde souvent par de nombreux problèmes. Démarrer avec des chiots me semble de très loin le plus efficace et le plus sûr.


Mes CHIOTS destinés à la protection des troupeaux vivent au sein de leur meute familiale avec leurs parents et leurs grands-parents. Mon but est de les rendre INTELLIGENTS afin qu'ils puissent exprimer tout leur potentiel génétique, sélectionné depuis de nombreuses années. Ils seront ainsi capables de gérer plus tard des situations complexes notamment dans la relation aux humains. Pour atteindre ces buts ils vivent dans une grande LIBERTE et aussi une grande SECURITE grâce à la présence des chiens adultes qui les enseignent et les protègent tout en leur donnant des limites. Pour l'éleveur que je suis cela demande un très gros travail même si les apparences pourraient laisser penser le contraire. Je reste en effet très vigilant afin que les chiots ne se mettent pas en difficulté dans cette découverte du monde qui les expose à de grands dangers, comme la piroplasmose transmise par les tiques. Dans mes dernières portées, sur 13 chiots nés de deux portées, 6 ont été atteints par la piroplasmose et ont nécessité un traitement rapide (un chiot peut en mourir en 24 heures si l'infection n'est pas détectée précocement). Un des chiots a été hospitalisé pendant 4 jours chez ma vétérinaire malgré le traitement que je lui ai donné (injection de Carbesia) et il a reçu une transfusion sanguine de THOR afin de l'aider à passer un cap difficile. Les chiots guéris ne gardent aucune séquelle de cette infection.

Elever des chiens qu'ils soient de travail ou de compagnie est un VRAI METIER. Je garde aussi mes chiots jusqu'à trois mois afin de leur laisser le temps d'intégrer correctement les codes canins et d'acquérir de l'AUTONOMIE. Sur des chiots de deux mois, âge légal de la vente en France, il est totalement impossible d'obtenir ces résultats. Evidemment à deux mois le travail et l'implication de l'éleveur en sont d'autant plus facilités ... En conclusion, parlant de CHIENS DE PROTECTION, je dirais que le choix du naisseur est aussi important, si ce n'est plus, que le choix de la race.



Il est clair que cela demande au berger un investissement en temps incontournable car ce sera lui le professeur des chiots et leur parent de substitution. Sans disponibilité pour éduquer des chiots il vaut mieux ne pas en prendre. Quitte à avoir les inévitables inconvénients des chiens de protection, il vaut mieux aussi pouvoir profiter de leurs avantages. Un chien mal éduqué c’est beaucoup de problèmes pour guère voire pas du tout d’avantages.


Il ne faut pas attendre d'un chiot qu'il ait un comportement de chien adulte. Tout comme pour les chiens de conduite, les chiens de protection ont besoin d’acquérir une certaine maturité et tous ne vont pas se développer au même rythme. Ils sont susceptibles de faire des erreurs et c'est normal.
C’est au berger de leur enseigner les bons comportements et de leur apporter de la sécurité pendant tout le temps de l’apprentissage. En l’absence de chiens adultes, il devient leur parent adoptif et leur enseignant.

Les jeunes chiens ne doivent pas être laissés seuls avec des agneaux avant l'âge de deux ans. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne doivent pas être mis en contact avec des agneaux et leurs mères. Mais ce sera alors sous la supervision constante de leur berger afin de corriger leur comportement si nécessaire.

Les chiots peuvent jouer avec les agneaux qu’ils considèrent comme des compagnons de jeu car ils ont la même taille ou sont plus petits. Néanmoins les agneaux n’ont pas les codes canins pour dire STOP lorsque le jeu va trop loin. Sans présence humaine le jeu peut alors dégénérer et aller jusqu’à la mort de l’agneau. La plupart du temps ce sont des oreilles ou des queues qui seront arrachées, témoignage du fait que le chiot seul s’ennuie. Bien que cela soit beaucoup moins fréquent de tels jeux peuvent aussi se produire avec une paire de chiots notamment à l’adolescence. La vigilance reste de mise.

C’est aussi la raison pour laquelle les chiots doivent pouvoir régulièrement jouer avec leurs congénères, chiens de conduite et chiens de compagnie et de chasse de leur ferme. Cela leur permet de se décharger de leurs excédents d'énergie et de développer des relations sociales avec leurs semblables, ce qui participe à leur bon équilibre mental. Un chien de protection fera parfaitement la différence entre les chiens de sa ferme et les chiens étrangers susceptibles d’attaquer son troupeau.

En termes de maniabilité du chien beaucoup se joue pendant le premier mois de présence au nouveau troupeau. Il est particulièrement important de consolider pendant cette période la relation « chiots – berger - troupeau » à travers des exercices simples.


LISTE DES EXERCICES A REALISER AVEC LES CHIOTS

Economiser quelques heures sur le temps d’éducation des chiots c’est se garantir des mois voire des années de problèmes avec ses chiens. Le jeu n’en vaut pas la chandelle.

Durant les premières semaines il faut limiter les contacts des chiots aux personnes présentes très régulièrement sur la ferme : famille, amis, salariés.

Les chiots ont besoin de jouer tous les jours, au moins deux fois par jour, matin et soir. Ils le feront avec les autres chiens de la ferme, entre 30 minutes et une heure, matin et soir. Jouer c’est une façon d’apprendre à se battre et c’est absolument nécessaire dans le cas des chiens de protection.

A leur arrivée, les chiots seront placés dans une case en bergerie ou dans la pâture. Ils y trouveront un abri, de la nourriture et de l’eau. Je conseille de les mettre en présence de brebis adultes non suitées ou de béliers. Ils devront rapidement être présentés à tous les animaux de la ferme, tout comme vous présentez une personne à une autre personne.

Les maintenir dans cette case pendant 24 à 48 heures avant de leur laisser la possibilité de sortir et de rentrer dedans à leur convenance par une trappe. Pendant ces deux premiers jours il faudra les sortir régulièrement de leur case, pour qu’ils fassent connaissance avec vous et pour les laisser faire leurs besoins et découvrir leur nouvel environnement. Cette case comportera un toit car les chiots sont les champions de l’évasion particulièrement les patous. Ils apprennent très vite à grimper par-dessus les claies, il faut donc pouvoir les contenir en sécurité pendant ce temps d’adaptation.

A l’arrivée des chiots la priorité est de créer un lien de confiance et d’amour avec les chiots.

Les chiots doivent être contenus dans des filets à moutons électrifiés dès leur arrivée que ce soit en prairie ou dans un parc de bergerie. Il est très important de les maintenir dans un lieu sécurisé pendant les premiers jours afin qu’ils ne puissent pas s’échapper. Le respect de la clôture électrique devrait leur avoir été enseigné sur leur lieu de naissance.

Les nouveaux maîtres ne sont que des étrangers pour les chiots qui arrivent. Il faut un minimum de temps pour qu’ils fassent connaissance. Au début ils n’ont aucune raison de vous faire confiance et de venir vers vous. C’est tout à fait normal. Il n’y a pas de raison de s’en inquiéter s’ils proviennent d’un élevage où ils auront été correctement socialisés et sociabilisés.

Cas particulier des chiots qui partent entre 6 et 8 mois

Lorsque les chiots nés au printemps partent après trois mois, souvent pour des raisons de disponibilités des éleveurs et des bergers qui ne veulent pas se charger avec des chiots en période estivale, ils quittent donc mon élevage en automne.
A ce moment-là les chiots sont complètement intégrés à ma meute, à l’environnement de la ferme et ils sont très familiers avec moi qui les connais depuis leur naissance.

Leur départ est donc un énorme choc pour eux et ils n’ont aucun raison de faire confiance à des étrangers. Dans ce cas précis, il va falloir forcer le contact avec les nouveaux maîtres. Les chiots seront maintenus dans un endroit bien sécurisé à leur arrivée afin qu’ils puissent être approchés facilement. Ils effectueront les mêmes exercices que des chiots de trois mois. Je conseille de ne pas les lâcher librement dans leur nouveau troupeau avant qu’ils ne marchent parfaitement en laisse et que la relation avec les nouveaux maîtres soit établie.

Dans cette situation les jeunes chiens devront être mis rapidement à l’attache de façon à ce que le nouveau maître puisse entrer plus facilement en contact avec eux tout en évitant de les brusquer par ailleurs.


Règles de base


  1. Faites voyager les chiots prés de vous et dans de bonnes conditions. C’est le premier contact qu’ils vont avoir avec vous et il doit être bon. A leur arrivée sur la nouvelle ferme leur mettre un collier avec une médaille portant votre numéro de téléphone.
  2. Interdire aux chiots de mordre les humains et même de mordiller. La même règle s’applique à tous les autres animaux de la ferme sauf les chiens qui ont le droit de se mordre entre eux pendant les jeux.
  3. Interdire aux chiots de sauter sur les gens. Ils doivent toujours avoir quatre pattes au sol. Il est IMPERATIF que les chiens ne sautent pas les clôtures. Pour cela la combinaison quatre pattes au sol + clôture électrifiée est très efficace.
  4. Travailler le rappel à la voix sur un ordre précis de votre part et toujours le même, par exemple « SON NOM viens ici s’il-te-plaît ». Vous pouvez commencer en vous tenant très proche des chiots et puis augmenter la distance. Toujours féliciter chaleureusement les chiots quand ils exécutent l’ordre. J’explique dans mon livre sur le Montagne des Pyrénées tout l’intérêt du « s’il-te-plaît ».
  5. Apprendre aux chiots à cesser d'aboyer sur un ordre précis de votre part et toujours le même, par exemple « SON NOM veux-tu bien te taire s’il-te-plaît ». Les chiots doivent se taire une fois que vous avez identifié la raison pour laquelle ils aboient. Toujours féliciter chaleureusement les chiots quand ils exécutent l’ordre. Pendant leurs deux premières années, les jeunes chiens aboient beaucoup plus que les adultes car ils découvrent la vie, il faut les rassurer en permanence et leur expliquer.
    Les chiens de protection aboient beaucoup à la tombée de la nuit pour signaler leur présence aux éventuels prédateurs. Dans ce cas précis,  il faut les laisser faire.
  6. Prévoir des bouts de bois et des gros os crus (jamais d’os cuit à un chien) afin que les chiots s’amusent et leur interdire tout autre objet pour le jeu notamment des chaussures ou encore des bouts de tuyaux ou des cordes. Pour leur arrivée vous pouvez prévoir quatre gros os de bœuf pour les occuper et les distraire. Plus d’os que de chiots pour ne pas commencer à créer de concurrence entre eux.
  7. NE PAS LAISSER des chiens de moins de 2 ans seuls et sans surveillance avec des agneaux, même s’ils sont en paire.
  8. Pas d’exercice violent ou soutenu avant l’âge de 2 ans sous peine de « casser » les chiens. La croissance des chiens de protection est lente, elle se termine vers 4/5 ans. Il faut la préserver pendant la phase de croissance importante qui a lieu les deux premières années. Les chiens effectuent d’abord une croissance en hauteur avant de s’étoffer les années suivantes. C’est la tête qui se modifiera en dernier.
Utiliser le grognement ou le « non » pour tout ce qui est interdit. Les chiots élevés dans une meute et déjà cadrés par des chiens adultes répondent très bien au grognement.

Pendant les exercices qui suivent, les chiots doivent être encouragés et chaleureusement félicités. Il faut les encourager lorsqu’ils font bien et ne pas les gronder s’ils commettent des erreurs. Ils sont en apprentissage et il est normal qu’ils commettent des erreurs. Tous les exercices que je propose sont à réaliser en douceur et sans brutalité. L’histoire de la dominance est totalement dépassée, vous n’avez pas à dominer ou à contraindre vos chiots et vos chiens pour leur montrer que vous êtes le chef. C’est par le respect que vous deviendrez leur leader ce qui est tout à fait différent et bien plus plaisant je peux vous le garantir.

Si pour une raison ou une autre vous êtes tendu ou énervé ou anxieux, il vaudra mieux reporter la séance d’éducation au lendemain. Si vous êtes stressé cela se transmettra aux chiots, et un chien stressé ne peut rien apprendre.

Vous trouverez en ANNEXE de ce texte une proposition de calendrier d’exercices, établi jour par jour, pour les quatre premières semaines suivant l’arrivée des chiots sur votre ferme. Ce calendrier permet de mettre en place une progression dans la complexité des exercices. Il doit être adapté à l’environnement et aux contraintes propres à chaque exploitation. Il vous donne une ligne directrice que vous pourrez modifier à votre convenance.


Exercice 1 : Accepter les manipulations corporelles

Ces manipulations ont pour but de désensibiliser les chiots afin de les rendre facilement manipulables en cas de besoin, une blessure à examiner par exemple ou le contrôle des chaleurs chez une chienne.

Chaque chiot sera pris dans les bras ou posé en hauteur. Ensuite vous allez serrer chacune des extrémités de ses quatre pattes de façon à lui faire sentir une pression. Mettre un doigt dans chaque oreille. Toucher le bout du museau. Ouvrir la gueule en grand (très utile le jour où vous aurez un cachet à faire avaler au chien). Tapoter sur toute la longueur du dos et étirer légèrement la queue, la soulever, et introduire pendant cinq secondes un thermomètre dans l’anus. Tapoter le dessous du ventre et toucher les organes génitaux.

Ces manipulations seront réalisées pendant les deux premières semaines, une fois le matin et une fois le soir, par les personnes que les chiots auront à fréquenter très régulièrement.


Exercice 2 : Apprendre à marcher en laisse

La marche en laisse s’apprend en deux étapes. Pendant la première semaine vous laisserez le chiot se promener avec la laisse simplement attachée au collier. Elle trainera donc derrière lui. La deuxième semaine vous commencerez à diriger le chiot en laisse.

Chaque séance d’apprentissage durera 5 à 10 minutes. A la fin des séances on retire bien évidemment la laisse pour que le chiot ne risque pas de se coincer quelque part. Vous ferez au maximum deux séances par jour afin de ne pas lasser vos chiots.

Une fois que les chiots savent marcher en laisse, vous pouvez profiter de l’exercice pour leur faire découvrir les limites de vos champs ou de la propriété. C’est aussi une façon de créer le lien entre vous.


Exercice 3 : Accepter d'être mis à l'attache

Quand les chiots ont appris la contrainte de la laisse il faut leur apprendre à rester à l’attache. Cela s’enseigne de façon progressive en utilisant une chaine de trois mètres au moins et en fixant un tourillon au collier de façon à éviter que la chaine ne s’entortille. Vous commencerez par 5 minutes à l’attache en restant avec eux pour les rassurer. Dans les séances suivantes vous augmenterez progressivement la durée d’attache à 10, 15, 20, 30, 40, 50 et 60 minutes. Lorsque les chiots peuvent rester une heure à l’attache en restant tranquilles, l’exercice est acquis.

Il est toujours utile de pouvoir mettre ses chiens en sécurité, par exemple si une chienne est en chaleur ou si vous devez manipuler le troupeau avec des personnes inconnues comme au moment de la tonte.

L’attache ne doit pas être comprise par le chien comme une punition. Il faut toujours les féliciter de leur bon comportement dans l’exercice demandé. Je ne suis personnellement pas adepte de la récompense par la nourriture et je ne l’utilise pas. Je préfère féliciter mes chiens chaudement et les remercier par une caresse ; mais si cela vous parle un petit bout de saucisson ou de fromage peut aussi constituer une forme de récompense pour un exercice réussi.

ATTENTION au lieu de l’attache. Les chiots ne doivent pas risquer de se retrouve pendus en voulant franchir un obstacle ou en escaladant une barrière. Le plus pratique est un anneau fixé dans un mur auquel vous pourrez accrocher la chaîne. Il faudra dégager tout obstacle du périmètre dans lequel les chiots attachés vont évoluer.
Il sera aussi nécessaire de s’assurer que les chiots ne se retrouvent pas en plein soleil.


Exercice 4 : Monter et descendre de voiture

Il est utile que les chiens de protection puissent être déplacés en voiture, ne serait-ce que pour aller au cabinet vétérinaire en cas de besoin. Quand ils sont encore petits, il faudra les porter pour les monter et les descendre de la voiture afin d’éviter qu’ils ne se blessent.

Leur apprendre un ordre pour monter et un ordre pour descendre. Ce dernier ordre indiquera au chien qu’il ne doit descendre qu’après l’avoir entendu et pas simplement lorsque la portière s’ouvre.


Exercice 5 : Découvrir le monde extérieur

Pour le bon développement mental et émotionnel de vos chiots ils doivent absolument découvrir des situations variées dans des milieux différents du troupeau. Je vous encourage en particulier à leur faire découvrir le milieu urbain avec ses parking goudronnés, ses routes, ses feux rouges, tous les bruits de la ville et ses habitants divers et variés.

Ces exercices seront ici encore limités à 5-10 minutes selon la maturité des chiots. Lorsque les chiots sont capables de se promener en laisse dans un lieu urbain fréquenté sans éprouver de crainte, l’exercice est acquis.


Exercice 6 : Découvrir une habitation humaine

La découverte de l’habitation des maîtres est aussi un exercice pour stimuler le développement des chiots et les habituer à rentrer dans des bâtiments destinés aux humains. Là encore il suffit de 5 à 10 minutes à chaque séance. Lorsque les chiots sont visiblement à l’aise dans la maison, l’exercice est acquis. Il pourra être renouvelé occasionnellement notamment lorsque les brebis sont en bergerie pendant la mauvaise saison.


Exercice 7 : Habituer les chiens à la présence des chats

Dans les bergeries, étables ou stabulations les rongeurs, rats et souris, sont toujours présents. Même si certains chiens en attrapent ils ne sont pas capables de gérer efficacement leurs populations. Les chats restent la meilleure façon de contrôler ces rongeurs indésirables. Il est donc nécessaire que les chiots soient mis en présence de chats dès leur arrivée sur la ferme. Le contact doit être rapproché et il faut que les chats soient bien évidemment manipulables et confiants avec leurs maîtres.


ALIMENTATION DES CHIOTS

Tous mes chiots et mes chiens sont nourris matin et soir, et à volonté afin d’éviter de créer des compétitions et tensions inutiles au moment du nourrissage. Après chaque repas il doit rester des croquettes dans les gamelles. Mes chiens sont toujours nourris en dehors du troupeau afin de ne pas créer de concurrence ou de réactions de défense envers les brebis ou les chèvres qui raffolent des croquettes. Les chiots et les chiens adultes mangent ensemble. Je dispose mes gamelles de croquettes sur une seule ligne.

Les chiots doivent réaliser des croissances modérées. Ils ne sont pleinement adultes qu’à l’âge de trois/quatre ans. Il est très important d’utiliser un aliment de type 25 % de protéines et 15 % de matières grasses à distribuer en deux repas par jour. Par exemple le MEDIUM ADULT de Royal Canin. A bannir toutes les croquettes chiots de grande race.

Ne surtout pas utiliser des croquettes spéciales CHIOTS DE GRANDE RACE comme du Giant Puppy.

Ne donnez aucune complémentation en calcium mais vous pouvez par contre enrichir régulièrement les croquettes avec des oligoéléments qui participent activement à la construction de l’immunité et donc de la santé.


VERS UN CHIEN DE PROTECTION IDEAL

Pour un chien de race avec un patrimoine génétique connu, que le chiot naisse au milieu d’un troupeau n’est ni nécessaire ni suffisant. Cela est juste un facteur favorable parmi d’autres, dont une génétique connue et maîtrisée qui fait aujourd’hui cruellement défaut dans la population française des chiens de protection.

En termes d’efficacité de protection le résultat tient à la combinaison de 7 facteurs :

  • Le patrimoine génétique du chien
  • La méthode d’élevage du naisseur
  • La méthode de mise en place
  • Le travail des chiens en meute familiale
  • L’implication du berger
  • Le suivi du placement
  • La qualité des clôtures.

Si l’une des composantes est défaillante le résultat final sera tout aussi défaillant. L’impact du naisseur est déterminant dans l’expression du potentiel génétique.

Il faut que les programmes de sélection concernant les chiens de protection soient basés sur des données mesurables tant sur le plan de la morphologie, que de la reproduction et du comportement. Au même titre que ce qui existe pour toutes les autres espèces d’animaux de ferme.


DU CHIEN IDEAL A LA MEUTE DE CHIENS DE PROTECTION

Le nombre de chiens à utiliser pour protéger un troupeau est largement sous-estimé en France. Ce nombre dépend de plusieurs facteurs :

  • La race de mouton car elle influe directement sur l’instinct grégaire du troupeau. Certaines races comme les Mérinos restent bien groupées d’autres comme les Préalpes du Sud ont tendance à s’éparpiller compliquant de ce fait la tâche des chiens et nécessitant alors la présence de plus de chiens ;
  • La taille du troupeau. Plus le troupeau est important, plus la surface qu’il occupe au sol augmente les opportunités de prélèvement des prédateurs. Ils savent détecter les points de faiblesse dans le système de protection des chiens, particulièrement pendant les grands déplacements du troupeau ;
  • La topographie du pâturage et sa nature (prairie ouverte, forêt, montagne, plaine) plus ou moins favorables à une approche discrète des prédateurs ;
  • Le comportement des prédateurs notamment des meutes de loups et le nombre de loups dans la meute qui peuvent mettre une pression plus ou moins forte sur le troupeau. Les loups apprennent à attirer les chiens loin du troupeau pour les tuer et parfois même les consommer ;
  • La disponibilité en proies sauvages pour les prédateurs ;
  • Les types de prédateurs présents (loup, ours, lynx, chiens errants ...);
  • La présence de femelles non stérilisées dont les chaleurs peuvent créer du désordre parmi les chiens de protection mâles et même attirer les loups ;
  • Les caractéristiques comportementales des chiens de protection diffèrent d’un individu à l’autre. Les connaître permet de constituer le groupe de chiens complémentaires face à une prédation prévisible.

Il y a bien souvent plus de différences entre les individus « chien » qu’entre les races bien que ces dernières puissent être complémentaires dans leur comportement.

Donner un nombre précis de chiens nécessaires à la protection d’un troupeau est un exercice difficile. Des années d’observations et d’échanges avec des collègues utilisateurs dans le monde entier m’ont conduit à proposer la ligne directrice suivante : 

  • 2 chiens adultes (de plus de 2 ans) pour un troupeau ovins viande < 100 têtes
  • 3 chiens adultes pour un troupeau de 300 têtes
  • 4 chiens adultes pour un troupeau de 500 têtes
  • 5 chiens adultes pour un troupeau de 700 têtes
  • 7 chiens adultes pour un troupeau de 1.000 têtes
  • 8 chiens adultes pour un troupeau de 1.200 têtes 
  • 10 chiens adultes pour un troupeau de 1.500 têtes

Le nombre des chiens peut être diminué ou augmenté selon des circonstances et un environnement qui restent propres à chaque troupeau. Néanmoins tomber en dessous de ces seuils ne peut garantir une protection efficace du troupeau et des chiens eux-mêmes face à des meutes de loups ou des ours.

Pour l'équilibre de la meute et son efficacité il est bon qu'elle soit composée de mâles et de femelles de différents âges. Les anciens enseignent ainsi aux plus jeunes tout en assurant leur protection. Tout comme chez les loups, il existe chez les chiens de protection une culture de meute rassemblant un ensemble de savoirs et de connaissances. Dans une meute familiale cette culture est transmise de génération en génération. Un groupe de chiens de protection ne se connaissant pas n’est pas une meute, c’est simplement un groupe de chiens dont l’efficacité, à nombre de chiens égal, sera bien moins bonne.

Dès lors qu'un chien atteint l'âge de 5 ans il faut penser à son remplacement et intégrer un nouveau chiot. Pour moi la meute idéale est composée de la façon suivante : 

  • Un tiers des chiens doit être très expérimenté (chiens de plus de 5 ans). Ces chiens-là valent de l’or. Ils portent tout l’héritage culturel de la meute et sont à même de le transmettre aux plus jeunes
  • Un tiers doit être expérimenté (chiens de 2 à 5 ans)
  • Un tiers composé par les jeunes chiens en apprentissage (chiens de 3 mois à 2 ans).

La stérilisation : je suis contre et voici pourquoi

Texte du Docteur Emmanuelle Titeux est Praticien hospitalier, spécialisée en médecine du comportement à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort et chargée d’enseignement à l’ENVA et dans les universités de Paris-Descartes et de Reims.

Points intéressants pour la santé:
  • Les animaux stérilisés développent plus de cancers et à un stade plus précoce (effets à long terme de la LH par absence de rétrocontrôle).
  • Il ne suffit pas d'adapter l'alimentation des chiens stérilisés pour répondre au problème d'obésité entraîné par la stérilisation. Les données montrent que cela ne marche pas : seuls 10 % des chiens stérilisés obèses mis au régime perdent du poids, et parmi eux 40% reprennent le poids perdu dans les mois suivants.
  • On a longtemps dit que les animaux stérilisés vivaient plus longtemps, mais c'était basé sur une publication faite à partir d'une clientèle américaine (les animaux entiers étaient peu médicalisés, non vaccinés, et appartenaient à une population plus précaire). Ce n’est donc pas transposable à la situation de nos chiens et il faut revoir cette idée.
 Sur le comportement :
  • Les effets bénéfiques sur les comportements sexuels et les fugues sont contredits par certaines études dès les années 1970.
  • Dès les années 1990, Farrel montre que les chiennes Berger Allemand stérilisées deviennent nettement plus agressives. Il conclut sur le fait qu'il ne faut pas stériliser les chiennes agressives.
  • L'étude de Farhoody (2018) sur plus de 13 000 chiens invalide l'idée selon laquelle il y aurait un lien entre stérilisation et agressivité, la stérilisation ne modifiant pas les comportements agressifs du chien.
  • Les individus peureux doivent être stérilisés le plus tard possible: à chaque période de chaleurs, une chienne progresse et son comportement évolue positivement. Si on la stérilise à 6 mois, on « fige » les problèmes comportementaux en l'empêchant d'évoluer.
  • La testostérone module l'agressivité: En castrant un chien, on augmente son risque d'agressivité sur les humains (voire sur les congénères).
ALORS, QUE FAIRE?
  •  Jamais de stérilisation précoce.
  • Pour les mâles, la castration chirurgicale ne présente aucun intérêt. Pour empêcher la reproduction, il y a la vasectomie (simple et avec moins d'effets secondaires) et en présence de comportements sexuels indésirables, on peut faire usage uniquement de l'implant (la production de LH et de testostérone est pulsatile et non stable dans le temps, elle diminue avec l'âge. Il est possible de poser un implant quand un problème survient).
  • Les problèmes comportementaux doivent être gérés par une prise en charge comportementale (expliquer qu'on ne peut garantir aucun effet positif par la stérilisation).
  • Pour les femelles, la décision doit se faire au cas par cas (race, profil comportemental, contexte de vie, ...). La ligature des trompes permet d’éviter les naissances non désirées en ne modifiant pas le système hormonal de la chienne qui gère tout son métabolisme.
Avant de prendre une décision, vous voulez en savoir plus la stérilisation ? Je vous conseille l’excellent ouvrage du Dr Vétérinaire Joël Dehasse publié en 2017 :
« La stérilisation du chien : pour et contre ? Effets physiologiques et comportementaux »

EN CONCLUSION


La méthode que je présente dans cet article a largement fait ses preuves depuis plusieurs années. Pour ceux qui avaient auparavant utilisé la méthode « conventionnelle du chiot unique » puis testé celle-ci, ils m’ont tous témoigné que « c’était le jour et la nuit ». Les chiots deviennent des chiens équilibrés et sereins. La relation au maître est très agréable à vivre au quotidien.

Eduquer des chiots pour la protection des troupeaux n’est en définitive pas si compliqué mais demande un investissement en temps incontournable pendant une durée minimale de deux ans. L’apprentissage après trois mois sera d’autant plus rapide que les chiots auront été stimulés durant les trois premiers mois de vie par un contact permanent de la portée avec des chiens adultes compétents et entourés de l’affection de leur naisseur.

Avoir recours à une bonne génétique est essentiel. D’où l’intérêt de mettre en place des programmes de sélection « chiens de protection » qui font toujours défaut 30 ans après le retour du loup en France. J’ai fait la démonstration de l’efficience de mon programme de sélection en produisant génération après des générations des chiens dont le comportement au travail et la fiabilité sont hautement prévisibles. Cela m’a aussi conduit à éliminer des lignées dont les inconvénients étaient supérieurs aux avantages, par exemple dans le cas de chiens très aboyeurs.

Le succès réside toujours dans l’équilibre à trouver chez les chiens entre le mental, l’émotionnel et le physique. Les chiens de protection accomplissent chaque jour des prouesses en protégeant avec discernement leurs troupeaux, parfois au péril de leur vie. Les observer est pour moi une source d’émerveillement permanent. Et aussi un enseignement que j’essaie de transmettre afin que chiens de protection et éleveurs/bergers vivent dans la complicité et l’harmonie pour le plus grand bien de leurs troupeaux.

Ces deux premières années sont éprouvantes pour les débutants qui naviguent entre émerveillement absolu et désespoir le plus total en fonction du comportement de leurs chiots. D’où l’intérêt d’être encadré par un véritable expert du sujet capable d’analyser, de rassurer, de proposer et d’encourager.

Passé les deux premières années suivant l’introduction nouvelle de chiens de protection dans un troupeau, vous vous retrouverez avec deux chiens compétents à même d’éduquer une nouvelle génération de chiots. Et là le travail sera beaucoup plus facile pour vous car les chiens adultes prendront le relais. Ils deviendront les professeurs de vos nouveaux chiots. Vous n’aurez plus à intervenir que de façon très ponctuelle pour compléter leur éducation, les sociabiliser selon ce même programme, et les recadrer si nécessaire avec un grognement approprié. Vos agneaux naitront au milieu des chiens de protection et ils les considéreront comme partie intégrante du troupeau. Vos premiers chiots naitront au milieu de vos brebis et vous embarquerez pour une belle Aventure je vous le promets.

ANNEXE - Exemple de calendrier d’exercices à réaliser
pendant les quatre premières semaines suivant l’arrivée de chiots de trois mois
dans une nouvelle exploitation

Ces exercices peuvent être réalisés individuellement ou avec les deux chiots ensembles selon le cas.

Fiche d’évaluation du chiot pour évaluer sa progression


Fiche de suivi à distance des chiots

Le naisseur ou le technicien pastoral devra suivre le comportement du chiot particulièrement pendant le premier mois de présence au troupeau qui reste déterminant pour la réussite de la mise en place.

C'est au propriétaire des chiots de lui transmettre le questionnaire retraçant l’évolution du comportement du chiot dans le troupeau et envers les humains afin de constituer un historique du comportement du futur chien de protection.



Pour chaque colonne, un résultat comportant 3 notations « MOYEN » et/ou « INSUFFISANT » devrait déclencher une visite rapide sur l’exploitation de façon à analyser les conditions de vie du chiot et ses réactions dans le troupeau et envers les personnes.


Ce texte ne peut être reproduit que dans son intégralité et en mentionnant son auteur, Mathieu Mauriès, et son site internet http://hogandesvents.nutritionverte.com.


© Dr Mathieu Mauriès 2024